Pourquoi les gens sont-ils « serviteurs de Dieu », et non « enfants de Dieu »

Question du lecteur : « Dites-moi, s’il vous plaît, pourquoi dans la religion chrétienne les gens sont « serviteurs de Dieu » et dans le paganisme ils sont « enfants des dieux » ? Je pose peut-être une question stupide, mais répondez-moi quand même.

Michael

Réponse :

Pour commencer, même dans le christianisme, les gens ne sont pas, à proprement parler, des serviteurs. Et certainement pas des serviteurs dans le sens que nous donnons au mot « serviteur » [NDT : en russe le mot biblique utilisé signifie également ‘esclave’, d’où la mise au point] aujourd’hui. Avant de répondre à la question posée sur le fond, fixons l’essentiel :

Dieu n’a pas voulu et n’a jamais voulu que l’homme soit un exécutant inconscient et esclave de ses ordres.

En prenant congé des disciples après la dernière Cène, le Seigneur Jésus-Christ leur a dit : « Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; mais je vous ai appelés amis, parce que je vous ai dit tout ce que j’ai entendu de mon Père » (Jn 15,15). « Amis de Dieu », c’est ainsi que le christianisme orthodoxe appelle traditionnellement les saints. Tout le monde est appelé à la sainteté. Déjà aux Juifs de l’Ancien Testament, Dieu avait ordonné : soyez saints, car je suis saint (Lv 11,44) ; l’Apôtre Pierre a rappelé ces paroles aux chrétiens (1 P 1,16).

Devenir l’ami de Dieu, devenir un saint – c’est une tâche de « croissance » pour chaque chrétien, une tâche extrêmement élevée, mais réalisable pour ceux qui sont conscients de leurs propres limites et demandent l’aide de Dieu, qui cherchent à construire une vie selon ses commandements.

Et les commandements ne sont pas des ordres de Dieu à des subalternes serviles. Ce sont plutôt des signaux d’un Créateur aimant pour ceux qui ont le droit de choisir mais qui sont perdus et misérables. Et le but des commandements est précisément de libérer les gens de tout ce qui les asservit et les prive de la plénitude de la vie et de la joie.

Pourquoi entendons-nous si souvent cette expression « serviteur de Dieu » dans l’Église ? Tout d’abord, tout simplement parce que peu de personnes osent se dire « ami de Dieu ».

Abba Dorotheus et de nombreux autres pères de l’Église disent que l’homme peut obéir aux commandements de Dieu pour trois raisons. D’abord, par peur de la punition. Deuxièmement – par désir d’une récompense, conventionnellement parlant, un « laissez-passer pour le paradis ». Et troisièmement, de manière désintéressée, par amour pour Dieu. La peur de la punition est caractéristique de l’esclave. Le désir de « gagner » le royaume des cieux est caractéristique du travailleur salarié. Ce n’est que lorsqu’une personne suit Dieu par amour pour lui qu’elle peut être appelée son ami. Et même – un fils ou une fille. Ce n’est pas un hasard si la prière que le Christ lui-même a donnée à ses disciples commence par une adresse filiale à Dieu : « Notre Père ! »

Mais, tant que nous n’avons pas appris à aimer vraiment Dieu, nous nous mettons malheureusement plus souvent dans la position de serviteurs que d’amis ou d’enfants de Dieu.

La raison en est uniquement notre propre cœur. La façon dont Dieu nous traite peut être vue dans la parabole du fils prodigue. Le jeune homme, qui s’est éloigné de la maison pendant plusieurs années, retourne chez son père et se prépare à lui dire : « Père, j’ai péché contre le ciel et devant toi, et je ne suis plus digne d’être appelé ton fils ; accepte-moi comme ton mercenaire. Il était prêt à revenir à n’importe quelle condition, même en tant que serviteur. Mais le père, voyant son fils, court vers lui, l’embrasse et, sans le laisser parler, lui donne ses meilleurs vêtements, lui met un anneau à la main (signe d’autorité pour diriger la maison) et organise un festin en l’honneur de son fils tant attendu, qui était mort et est revenu à la vie, perdu et retrouvé (Luc 15, 11-24). Pour Dieu, nous restons toujours des fils et des filles bien-aimés. Mais parfois, il vaut mieux que nous nous regardions de manière critique – comme des serviteurs. Le Seigneur nous conseille également de faire ceci : Quand vous aurez fait tout ce qui vous a été commandé, dites : Nous sommes des serviteurs inutiles, car nous avons fait ce que nous devions faire (Lc 17,10).

C’est la première raison. Mais il y en a une seconde :

Si une personne est le serviteur de quelqu’un – alors elle n’est soumise à personne d’autre. Se dire serviteur de Dieu signifie confirmer que l’on s’abandonne à Dieu absolument et complètement : on ne craint personne sauf Dieu, on n’est esclave de personne et de rien d’autre : ni des gens, ni de ses propres faiblesses et dépendances, ni de la télé, ni d’internet, ni des politiciens… de personne, sauf Dieu.

Les chrétiens mettent l’accent sur le deuxième mot de la phrase « serviteur de Dieu ». Devenir un serviteur de Dieu signifie être libre de toute dépendance terrestre.

L’apôtre Paul est très clair à ce sujet : « Ne savez-vous pas qu’en vous livrant à quelqu’un comme esclaves pour lui obéir, vous êtes esclaves de celui à qui vous obéissez, soit du péché qui conduit à la mort, soit de l’obéissance qui conduit à la justice?… Car, lorsque vous étiez esclaves du péché, vous étiez libres à l’égard de la justice.Quels fruits portiez-vous alors? Des fruits dont vous rougissez aujourd’hui. Car la fin de ces choses, c’est la mort. Mais maintenant, étant affranchis du péché et devenus esclaves de Dieu, vous avez pour fruit la sainteté et pour fin la vie éternelle. » (Romains 6:16, 20-22).

Une dernière chose. Notre concept scolaire de l’esclavage s’est développé presque exclusivement à partir du matériel historique de la Rome antique et lorsqu’on parle des esclaves de Dieu, cela nous rend confus.

Dans la Rome antique, les esclaves étaient en effet totalement impuissants et n’étaient pas tant considérés comme des êtres humains que comme des instruments de travail animés. Mais dans l’ancien Israël, par exemple, l’esclavage impliquait un degré de liberté bien plus grand. Dans la société patriarcale d’Israël, les esclaves étaient en fait des membres de la famille du seigneur. Dans la conception biblique, un esclave n’était pas un « ustensile de ménage » vivant, mais un homme fidèle, un serviteur du maître de maison. C’est à la loyauté totale envers le maître et à la responsabilité tout aussi totale du maître envers ses esclaves que l’Écriture fait référence en premier lieu. Par exemple, l’ancêtre d’Abraham avait Eliezer comme esclave, et il était considéré comme l’héritier présomptif de son maître jusqu’à la naissance de son fils Isaac (Genèse 15:2-3). La loi de Moïse prescrivait que les esclaves soient traités aussi humainement que possible :

Si tu achètes un esclave hébreu, fais-le travailler pendant six ans ; mais le septième, laisse-le partir libre. S’il est venu seul, qu’il parte seul. Mais s’il est marié, que sa femme parte aussi avec lui (Ex 21, 2-3).

C’est à cette vision biblique que remonte la compréhension chrétienne de notre « esclavage » envers Dieu – sinon il serait très étrange d’entendre l’apôtre Paul parler du Christ, qui s’est humilié en prenant la forme d’un esclave (Ph 2,7).

Tout en se qualifiant humblement de serviteurs de Dieu, les chrétiens n’oublient jamais leur but élevé : être adoptés par Dieu. Ils se rendent compte que le chemin à parcourir avant une véritable adoption est encore long.

Igor Tsukanov

Source : http://voskrcerkov.ru/2020/07/14/raby-bozhi/

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