Le Domostroï


Chap 1 à 25
Traduit par E. DUCHESNE,
agrégé de l’Université
Traduction parue en 1904 dans la Revue de l’Histoire des Religions
25 e Année, Tome 50 pages 13 à 38

  1. Instructions d’un père à son fils.
    Je bénis, moi pécheur N., et j’instruis, et je guide, et j’éclaire mon fils N., et sa femme et leurs
    enfants et leur famille (1) : qu’ils vivent rigoureusement selon la loi chrétienne, en toute pureté de
    conscience, en toute justice; qu’ils accomplissent avec foi la volonté de Dieu et pratiquent les
    commandements; qu’ils continuent, en toute occasion, à craindre Dieu, à vivre selon la lui. Que
    mon fils instruise sa femme, qu’il fasse la leçon à ses domestiques, mais sans violence : il ne faut
    ni les frapper, ni leur infliger un pénible travail, mais les traiter comme ses enfants, sans troubler
    leur repos : il faut les nourrir, les vêtir, les tenir au chaud dans la maison, veiller à ce que tout aille
    bien.
    A vous, chrétiens, qui habitez cette maison, je dédie cet écrit : gardez-en le souvenir, suivez ses
    instructions : je le dédie à vous et à vos enfants. Si vous le dédaignez, si vous n’êtes pas dociles
    à ses leçons, si, par suite, votre vie, votre conduite, ne sont pas conformes aux règles ici tracées,
    vous devrez en rendre compte au jour redoutable du jugement. Quant à moi, je n’ai de part ni à
    vos fautes ni à vos péchés : mon âme en est innocente. Je vous ai enseigné les règles d’une
    bonne conduite, j’ai pleuré, j’ai prié, je vous ai instruits et je vous ai présenté cet écrit. Si vous
    accueillez favorablement mes faibles leçons et cette instruction bien imparfaite, si vous recevez
    mon livre en toute pureté d’âme; si, en le lisant, vous demandez à Dieu de vous secourir et de
    vous éclairer autant qu’il est possible, autant que Dieu vous éclairera, oui, si vos actes sont
    conformes à la règle, alors s’étendra sur vous la grâce de Dieu, celle de la Très Pure Mère de
    Dieu, des grands saints thaumaturges, et ma propre bénédiction, pour le présent et pour les
    siècles à venir. Et votre maison et vos enfants, vos biens, les richesses que Dieu vous a données,
    ce que vous hériterez de moi, ce que vous acquerrez par vos propres travaux, que tout cela soit
    béni, comblé de toutes prospérités, dans les siècles à venir ! Amen!
  2. Comment les chrétiens doivent croire à la Sainte Trinité, à la Très Pure Mère de Dieu, à la croix
    du Christ, aux saintes puissances célestes incorporelles, à tous les saints, aux respectables et
    saintes reliques, et s’incliner devant elles.
    C’est un devoir pour tout chrétien de vivre selon la loi de Dieu, dans l’orthodoxie chrétienne. Tout
    d’abord, de toute son âme, de toute sa pensée, de tous ses sentiments, il faut croire avec une foi
    ardente au Père, au Fils et au saint Esprit, à l’Indivisible Trinité; à l’incarnation de notre Seigneur
    Jésus-Christ, Fils de Dieu, à sa Mère qui l’a engendré : appelle-la « Mère de Dieu ». Incline toi, plein
    de foi, devant la croix du Christ, puisque c’est par elle que Dieu nous a donné à tous le salut :
    rends hommage avec foi à l’icône du Christ, à sa Très Pure Mère, à toutes les puissances
    célestes incorporelles : honore tous les saints, prie-les, comme tu prierais [le Christ et sa Mère],
    avec ferveur, inclinetoi devant eux, demande-leur de te venir en aide auprès de Dieu. Baise avec
    foi les reliques des saints, et incline-toi devant elles.
  3. Comment il convient de prendre part aux mystères divins, de croire en la résurrection des
    morts, d’attendre le jugement dernier, et de s’approcher de toutes les choses saintes.
    Crois aux mystères divins, à son corps, à son sang : communie avec crainte pour purifier et
    consacrer ton âme et ton corps, pour t’assurer la rémission de tes péchés et la vie éternelle. Crois
    à la résurrection des morts et à la vie future. Souviens-toi du jour terrible du jugement : songe
    [que nous recevrons] une récompense proportionnée à nos actes. Après avoir purifié ton âme,
    avec une conscience pure, en disant les prière, tu baiseras la croix qui vivifie, les respectables et
    saintes images thaumaturges, les reliques qui guérissent nos maux. En priant et en faisant le
    signe de la croix, tu dois les baiser en retenant ton haleine, sans ouvrir les lèvres. Si Dieu accorde
    à quelqu’un la faveur de participer aux divins mystères, celui-là doit, quand il reçoit de la main du
    prêtre l’offrande sacrée dans une petite cuiller, prendre certaines précautions. Il ne fera pas
    claquer ses lèvres, il appliquera ses mains contre sa poitrine en forme de croix : le pain bénit.
    l’hostie, toutes les choses saintes, doivent être reçus avec précaution. Il ne faut ni laisser tomber
    de miettes sur la table, ni entamer l’hostie avec les dents, comme on fait d’un pain ordinaire. On
    la brise en petits morceaux, que l’on introduit dans la bouche. On mangera avec les lèvres, sans
    faire claquer la bouche. Le pain sacré ne sera point mangé en même temps qu’un aliment liquide :
    on peut seulement boire de l’eau pure ou de l’eau bénite, prise dans le vase saint, mélangée ou
    non avec le vin de la messe: tout autre mélange est interdit.
    Avant tout autre aliment on mange la prosphora (2), à l’église ou à la maison : mais jamais on ne la
    mangera avec la koutia (3), ni avec le kanoun (4); la prosphora ne doit pas être mise sur la koutia.
    Si vous embrassez quelqu’un au nom du Christ, la règle est la même [que tout à l’heure] : retenez
    votre haleine, sans faire claquer vos lèvres. Songez aux défauts des hommes! des odeurs qui
    s’exhalent de plantes innocentes nous font horreur, celle de l’ail, celle de l’ivresse, celle de 1a
    maladie; toute exhalaison infecte nous répugne. Combien doit répugner au Seigneur l’odeur que
    nous répandons ! N’oublions donc, pour cette raison, aucune des précautions [nécessaires] !
  4. Comment il faut aimer Dieu de toute son âme, ainsi que son prochain : comment il faut craindre
    Dieu et songer à la mort.
    Voue donc toute ton affection au Seigneur ton Dieu, de toute ton âme, de toute ta force : que
    toutes tes actions, tes habitudes, tes moeurs, soient rendues conformes à ses commandements.
    Tu aimeras aussi ton prochain, tous les hommes créés à l’image de Dieu, c’est-à-dire tous les
    chrétiens. Aie toujours dans ton coeur la crainte de Dieu et l’idée de la mort : accomplis toujours
    la volonté de Dieu et agis selon ses commandements. Le Seigneur a dit : « Tel je te trouverai, tel je
    te jugerai ». Tous les chrétiens doivent donc être prêts [à comparaître devant Dieu] avec de bonnes
    actions, ils se maintiendront en état de pureté et de pénitence, toujours prêts à confesser leur foi,
    dans l’attente perpétuelle de la mort. ‘
    Sur le même sujet. (5)
    Aime le Seigneur de toute ton âme et redoute-le dans ton coeur. Sois juste, sincère, humble,
    baisse les yeux à terre, mais élève ton âme vers le ciel : plein de tendresse envers le Seigneur,
    sois affable envers les hommes. Console l’affligé, sois patient dans le malheur, ne fais de mal à
    personne, sois libéral, compatissant, donne du pain aux pauvres, reçois cordialement les
    voyageurs, afflige-toi de tes péchés, réjouis-toi en pensant à Dieu, évite les excès de boisson et
    de nourriture, sois doux, fuis le bavardage, l’avarice, aime ton prochain, évite la fierté, sois timide
    devant le Tsar, et prêt à obéir à ses ordres; réponds avec bonne grâce, prie souvent, pratique
    avec discernement les oeuvres agréables à Dieu, sois indulgent pour les hommes, défends les
    offensés, fuis l’hypocrisie : montre-toi l’enfant de l’Évangile, le fils de la Résurrection, l’héritier de
    la vie future par la faveur de Jésus-Christ notre seigneur : gloire a lui éternellement !
  5. De l’honneur du aux évêques, aux prêtres et aux moines.
    Va toujours au devant des évêques et rends-leur l’honneur qui leur est dû : réclame d’eux leur
    bénédiction et l’enseignement spirituel, tombe à leurs pieds et obéis-leur en tout au nom de Dieu.
    Les prêtres et les moines ont droit à ton affection, à ton obéissance, à toute espèce de
    soumission de ta part. Reçois d’eux le fruit spirituel, car, serviteurs du Roi du Ciel, ils lui adressent
    leurs prières : ils osent demander au Seigneur les choses bonnes et utiles à vos âmes, la
    rémission des péchés et la vie éternelle.
  6. Il faut visiter dans les monastères, dans les hospices et dans les prisons, tous ceux qui
    souffrent.
    Visitez ceux qui sont dans les monastères, dans les hôpitaux, dans les solitudes, et ceux qui sont
    enfermés dans les prisons : faites l’aumône, autant que cela est possible, autant qu’ils le
    réclament, et, voyant leur misère, leur affliction, leur détresse, venez-leur en aide autant que vous
    le pouvez. Ne soyez pas dédaigneux pour les affligés, pour les pauvres, pour les misérables;
    emmenez-les dans votre maison, donnez-leur à boire et à manger, réchauffez-les, donnez-leur
    des vêtements en toute charité et en toute pureté de conscience : ainsi l’on se concilie la bienveillance divine et l’on obtient la rémission des péchés. Célébrez un service commémoratif en
    l’honneur des parents trépassés : offrez des présents aux églises de Dieu et faites des festins en
    l’honneur des morts dans votre maison : faites l’aumône aux pauvres, ainsi vous ne serez pas
    oublié de Dieu.
  7. Comment il convient d’honorer le Tsar et le prince et de lui obéir en tout; de s’humilier devant
    un supérieur, de le servir en toute justice, de se dévouer aux grands et aux petits, aux affligés et
    aux infirmes; comment on doit se conduire et veiller sur soi-même.
    Crains le Tsar et sers-le avec foi : prie toujours Dieu pour lui et ne prononce jamais, en sa
    présence, de parole mensongère, mais réponds-lui humblement la vérité, comme tu ferais à Dieu
    même, et obéis-lui en tout. Si tu sers en toute justice le Tsar terrestre, et que tu le craignes, tu
    apprendras ainsi à craindre le Tsar céleste. Le Tsar terrestre est passager, mais le Tsar céleste est
    éternel : juge intègre, il récompense chacun selon ses mérites. Ainsi soumettez-vous aux princes
    et rendez-leur l’honneur qui leur est dû, car ils sont envoyés par Dieu pour la punition des
    méchants et pour la glorification des bons. Attachez-vous de tout votre coeur à votre prince, à
    vos maîtres : ne nourrissez contre eux aucune pensée mauvaise. Car l’apôtre Paul dit : « Tous les
    pouvoirs sont institués par Dieu : si quelqu’un s’oppose au maître, il s’oppose à l’ordre de Dieu
    (6). »
    Garde-toi, dans le service du tsar, du prince, ou de tout autre seigneur, d’user de mensonge, de
    perfidie, de malice : car le Seigneur fera périr tous ceux qui disent des mensonges, et les
    calomniateurs et les diffamateurs sont maudits par le peuple.
    Rends honneur aux plus âgés, incline-toi devant eux; considère les gens de condition moyenne
    comme tes frères; accueille les infirmes, les affligés; aime les plus jeunes comme tes enfants, sois
    bon pour toute créature de Dieu. Ne souhaite point la gloire terrestre, demande à Dieu les biens
    éternels. Subis avec reconnaissance tout malheur et toute épreuve; offensé, ne te venge pas,
    outragé, prie Dieu; ne rends pas le mal pour le mal, ne juge pas les pécheurs, souviens-toi de tes
    péchés : qu’ils te causent des soucis constants ! Fuis les conseils des méchants; imite ceux qui
    vivent droitement, écris leurs actions dans ton cœur, et conforme ta conduite à la leur !
  8. Comment il faut orner ta maison des images saintes et la tenir propre.
    II convient à tout chrétien, dans sa maison, d’apposer sur les murs de chaque chambre des
    images saintes et vénérables, peintes sur des icônes : [on les disposera] selon leur nature. Il faut
    orner avec élégance un endroit convenable et [le garnir] de lampes où brûleront des cierges
    devant les saintes images, dans tout service célébré en l’honneur de Dieu : le chant terminé, ces
    cierges seront éteints. On couvre alors les images d’un rideau qui les préserve de la malpropreté
    et de la poussière : ainsi l’on observe la décence et on les ménage. Il faut toujours les épousseter
    avec un plumeau très propre fait d’une aile d’oiseau, et on les frotte avec une éponge douce : la
    chambre devra toujours être tenue propre. Seuls, ceux-là toucheront les saintes images, qui sont
    dignes de cet honneur, et dont la conscience est pure. Pendant que l’on glorifie Dieu, pendant le
    chant sacré et pendant la prière, on allume les cierges et on parfume l’air avec l’encens
    odoriférant. Les images saintes une fois disposées d’après la hiérarchie, on les honore
    saintement, après avoir prononcé leurs noms. Il convient de les honorer toujours dans les prières
    et pendant les vigiles, dans les adorations et dans tous les chants qui glorifient Dieu, avec des
    larmes et des sanglots, en se confessant avec contrition el en demandant la rémission des
    péchés.
  9. Comment il convient d’aller dans les monastères et dans les églises avec des offrandes.
    Il faut aller dans les églises de Dieu toujours avec foi – avec une offrande, avec un cierge et une
    prosphora, avec des parfums et de l’encens, avec la koutia et le kanoun (7), et avec une aumône.
    Il convient aussi d’aller dans les monastères les jours de fête avec une aumône et une offrande
    pour obtenir la santé des vivants et le repos des morts. Lorsque tu apporteras ton présent à
    l’autel, souviens-loi des paroles de l’Évangile : « Si ton frère a quelque chose contre toi, laisse-là
    ton présent, devant l’autel, va, et réconcilie-toi d’abord avec ton frère (8) ». Ensuite offre à Dieu ton
    présent – acquis par des voies légitimes – car l’aumône faite avec le bien mal acquis n’est pas
    agréée. C’est pour les puissants qu’il a été dit : « Il vaut mieux ne pas piller que de faire l’aumône
    avec un bien injustement acquis ». Rends à l’offensé [ce que tu lui as pris] : cela est mieux accueilli
    que l’aumône, car Dieu agrée l’aumône faite avec un bien légitimement acquis.
  10. Comment il faut inviter les prêtres et les moines à venir prier dans sa maison.
    Dans toutes les fêtes, quelles qu’elles soient, selon les engagements que l’on a pris, il faut
    appeler les prêtres dans sa maison, selon ses ressources, et accomplir la liturgie chaque fois
    qu’on demande quelque chose : on priera pour le Tsar et le grand prince N., autocrate de toutes
    les Russies, pour sa Tsaritsa, la grande Princesse N., pour leurs nobles enfants, pour ses frères,
    pour les boïars, pour toute l’armée chrétienne, [on demandera à Dieu] de lui assurer la victoire sur
    les ennemis.
    [Priez aussi Dieu] pour la liberté des prisonniers, implorez-le pour tout l’ordre sacerdotal et
    monacal (9) à l’occasion de toute demande que vous adressez, pour tous les chrétiens, pour
    toute votre maison : priezle pour le mari, pour la femme, pour les enfants et les serviteurs, en vue
    de tout ce qui leur est utile.
    Quand cela est nécessaire, on bénit l’eau avec la croix vivifiante en se servant des images
    thaumaturges et des saintes et vénérables relique., et l’on consacre l’huile pour le malade en vue
    de sa santé et de sa guérison. S’il y a lieu de consacrer l’huile sur le malade dans la maison, on
    fait venir sept prêtres ou davantage, et des diacres, autant qu’il s’en trouvera. Ils consacreront
    l’huile et se conformeront en tout aux règles. L’encensement, dans toutes les pièces, appartient
    au diacre ou au pope l’aspersion par l’eau bénite et la bénédiction par la croix vénérable seront
    faites par un prêtre d’un rang plus élevé. On dressera une table pour tous les prêtres réunis, dans
    cette maison, en rendant grâces à Dieu, après la liturgie. A cette table mangeront et boiront
    l’ordre sacerdotal et monacal, et tous ceux qui se présenteront, et les infirmes aussi. Et tous s’en
    iront chez eux, gratifiés de présents, le coeur pleinement satisfait, rendant grâces au Seigneur.
    Ainsi l’on célébrera le service commémoratif en l’honneur des parents trépassés : dans les saintes
    églises de Dieu et dans les monastères on chantera des messes funèbres avec l’assistance d’un
    nombre déterminé de prêtres, on célébrera la liturgie divine, on nourrira les moines à sa table,
    pour assurer le repos des morts et la santé des vivants : on invitera chez soi des gens, on leur
    donnera à manger et à boire, et on fera des aumônes.
    On bénira l’eau le 6 janvier (10) et le 1er août (11), toujours avec la croix vivifiante : en la plongeant
    trois fois, l’évêque ou le prêtre récitera trois fois le tropaire (12) : « Seigneur, sauve ton peuple » (13).
    Le jour de l’Epiphanie, on récitera trois fois le tropaire : « Seigneur, quand tu fus baptisé dans le
    Jourdain…  » (14). Sur un plat reposeront les saintes croix et les icônes, et les saintes reliques
    thaumaturges. En retirant la croix du vase, le prêtre doit le tenir au-dessus du plat : alors l’eau de
    la croix coulera sur le vase sacré.
    Après l’immersion de la croix et après la bénédiction faite avec l’eau sainte, on oint avec une
    éponge, trempée d’abord dans cette eau sainte, les croix vénérables, les saintes icônes et les
    reliques thaumaturges qui sont dans le temple sacré ou dans la maison, et l’on dit des tropaires
    en l’honneur de chaque saint, en oignant la sainte icône. L’éponge qui a servi à l’onction doit être
    pressée dans la même eau sainte : il convient d’oindre aussi, les autres objets saints, et
    d’asperger d’eau bénite l’autel et toute l’église sainte, en figurant un signe de croix. Dans la
    maison on aspergera aussi toutes les pièces et tous les gens de la maison; ceux qui en sont
    dignes reçoivent l’onction avec foi et boivent cette eau sainte pour la guérison et la purification de
    leurs âmes et de leurs corps : ainsi ils s’assurent la rémission de leurs péchés et la vie éternelle.
    Quant à la nourriture et à la boisson, ce soin regarde le maître de la maison ou ses représentants :
    le maître invitera les assistants à sa table ou les enverra quelque part, ayant égard à leur dignité et
    à leur rang, selon la sagesse. On commencera par le personnage le plus considérable, non par les
    autres. Si on désire témoigner son affection à quelqu’un ou reconnaître quelque service, on aura
    avec un grand tact : et encore, à ce propos, devra-t-on demander l’autorisation au supérieur.
    Emporter ou envoyer en secret de la table ou de la trapéza (15) des mets ou des boissons, sans
    que le supérieur en ait donné l’ordre ou sans qu’il l’ait autorisé, c’est un sacrilège, une usurpation
    de pouvoir : ceux qui agissent ainsi seront déshonorés de toutes les façons. « Lorsque tu es
    appelé à une noce, ne t’assieds pas à la première place, de peur qu’il ne se trouve parmi les
    invités une personne plus considérable, et que celui qui vous a invités ne vienne et te dise : « Cède
    la place à celui-ci ». Alors tu auras honte d’être mis à la dernière place. Au contraire, quand tu
    seras invité, va et assieds-toi à la dernière place, pour que celui qui t’a invité s’approche de toi et
    qu’il te dise: « Ami, monte plus haut ». Alors tu seras couvert de gloire devant tous ceux qui
    prennent part au festin, car quiconque s’élève sera humilié, et quiconque s’humilie sera
    élevé » (16).
    Lorsqu’on mettra devant toi sur la table différents mets, diverses boissons, s’il y a parmi les
    convives un personnage plus haut placé que Lui, ne commence pas, avant lui, à déguster quoi
    que ce soit. Mais si tu es supérieur aux autres, alors, avec mesure, goûte le premier aux mets
    servis. Chez certaines personnes très pieuses, quand les aliments et les boissons dépassent les
    besoins, on enlève les restes, que d’autres utilisent ensuite. Si un convive est grossier, s’il
    manque de tact, s’il est mal appris, mal élevé, s’il entame, sans réflexion, tous les mets, jusqu’à
    satiété, s’il agit avec négligence, il sera blâmé, raillé et déshonoré par Dieu et par les hommes.
  11. Il faut nourrir, dans la maison, ceux qui viennent, et les bien traiter.
    Si une trapéza a été dressée, les prêtres glorifient d’abord le Père, le Fils et le saint Esprit, et
    ensuite la sainte Vierge, Mère de Dieu. Si les conviés, après avoir rendu des actions de grâces,
    prennent leur repas en silence, ou bien traitent des sujets religieux, alors les anges assistent
    invisibles au repas et inscrivent leurs bonnes actions; alors les mets et la boisson font plaisir é
    ceux qui les consomment.
    Main si l’on blâme la boisson et les mets qui sont servis, alors ceux-ci se changent pour eux en
    ordure. Si les convives tiennent des propos honteux, immoraux, contraires à la décence, s’ils
    ricanent et se répandent en railleries, s’ils jouent sur des instruments, s’ils dansent, s’ils battent
    des mains et sautent, s’ils se livrent à toute sorte de jeux, s’ils entonnent des chansons
    diaboliques, alors, de même que la fumée chasse les abeilles (17), ainsi les anges de Dieu s’en
    vont de cette table, loin de cette société qui leur fait horreur. Les démons, pleins de joie,
    accourent: ils ont conquis leur liberté et tout ce qui leur plait s’accomplit. Si les conviés se livrent
    au honteux divertissement des dés et des échecs, s’ils trouvent leur plaisir dans les jeu: inventés
    par le diable, ils souillent ainsi les dons de Dieu, les aliments, la boisson, les fruits de tout genre :
    ils versent à tort et à travers, ils se battent les uns les autres, de toute façon ils font offense aux
    présents de Dieu. Et les diables inscrivent leurs actions, les rapportent, à Satan et se réjouissent
    avec lui de la perte des chrétiens. Et toutes ces actions déposeront contre leurs auteurs au jour
    du jugement dernier. Malheur à tous ceux qui se conduisent ainsi ! Lorsque les Juifs, dans le
    désert, s’assirent pour manger et boire, et que, après avoir bu et mangé avec excès, ils se
    levèrent et commencèrent à jouer et à faire des choses immorales, alors la terre les engloutit au
    nombre de vingt-trois mille (18). Hommes, tremblez ! accomplissez la volonté de Dieu, comme
    cela est écrit dans la loi : que Dieu préserve tous les chrétiens de ce mal et de cette honte ! Il faut
    manger et boire à la gloire de Dieu, mais sans se gorger de nourriture, sans s’enivrer, sans
    commettre de péchés ! Si tu sers à quelqu’un des aliments. une boisson, une nourriture
    quelconque, ou si un autre met devant toi un plat, toute critique est inconvenante : il ne faut pas
    dire : « Cela est pourri, cela est aigre, cela est trop doux ou trop salé, cela est amer ou sent le
    renfermé, cela est trop cru ou trop cuit »; en général, un blâme, quel qu’il soit, est déplacé. Au
    contraire, il faut louer chaque aliment, car c’est un don de Dieu, et le déguster avec
    reconnaissance. Alors Dieu parfumera tous les mets et les transformera en choses délicieuses. Si
    un breuvage, si un aliment ne peut être utilisé, on doit punir les serviteurs de la maison qui l’ont
    préparé, pour que cela n’arrive pas une seconde fois.
  12. Comment le maître, dans sa maison, doit prier avec sa femme et ses serviteurs (19).
    Tous les jours, vers le soir, le mari avec sa femme, les enfants, les serviteurs, celui qui sait lire,
    doivent chanter les vêpres, les nones : [les autres doivent y assister] en silence, avec
    recueillement, dans une attitude humble, avec des prières et des salutations. Il faut chanter très
    distinctement et ensemble. Après la prière réglementaire, il ne faut en aucune façon ni boire, ni
    manger, ni converser : tout cela, on le doit bien savoir. En se couchant, chaque chrétien doit faire
    trois saluts jusqu’à terre devant Dieu. A minuit, sans y manquer jamais, on se lèvera en secret, on
    priera Dieu, en pleurant, avec ferveur, pour son salut, toutes les fois qu’il y a lieu de le faire. Le
    matin, en se levant. chacun doit observer les mêmes pratiques, selon sa force et sa volonté : les
    femmes enceintes s’inclineront jusqu’à la ceinture. Il faut que chaque chrétien prie Dieu en raison
    de ses fautes, pour la rémission de ses péchés, pour la santé du Tsar, de la Tsaritsa et de leurs
    enfants, pour celle de ses frères et de ses boïars, pour l’armée dévouée du Christ, pour obtenir du
    secours contre les ennemis, pour la liberté des prisonniers, pour les évêques et les prêtres, pour
    les malades, pour ceux qui sont enfermés dans les prisons, et pour tous les chrétiens. La femme
    devra prier, pour que ses péchés lui soient pardonnés, pour son époux, pour ses enfants, pour les
    serviteurs de la maison, pour ses parents, pour les pères spirituels : le mari adressera les mêmes
    prières. Le matin, en se levant, il faut prier Dieu, chanter les matines et les heures; le dimanche et
    les jours de fête, on dira le Te Deum, avec une prière; [les uns] garderont le silence, dans une
    attitude humble, [les autres] chanteront ensemble : on écoutera avec attention et on brûlera
    l’encens devant les Saints. S’il n’y a personne qui puisse chanter, alors il suffit de prier le soir et le
    matin. Les hommes devront s’abstenir de tout péché les jours de chant religieux, pendant les
    vêpres, pendant les matines, pendant la messe.
  13. Comment il convient à l’homme et à la femme de prier à l’église, de garder la pureté et de ne
    faire aucun mal.
    A l’église, il faut assister à tous les chants avec crainte et prier en silence. A la maison, on
    chantera toujours les prières du soir, l’office de minuit et les « heures » : certains ajoutent d’autres
    prières pour leur salut : comme ils le font librement, ils recevront de Dieu une plus grande
    récompense. Les femmes iront aux églises de Dieu, dans la mesure du possible, après
    autorisation, après avoir consulté leurs maris. A l’église, il ne faut converser avec personne, mais
    garder le silence et écouter attentivement debout, sans regarder de tous côtés. On ne s’appuiera
    ni contre un mur, ni contre une colonne : on ne doit avoir en mains aucun bâton, on ne piétinera
    pas. Les mains seront disposées sur la poitrine en forme de croix. On priera avec ferveur et sans
    hésitation, avec crainte et frayeur, avec des soupirs et des larmes, on ne sortira pas de l’église
    avant la fin du service et on arrivera au commencement de la messe. Le dimanche, pendant les
    fêtes du Seigneur, le mercredi, le vendredi, pendant le grand jeûne, pendant le jeûne de la Mère
    de Dieu (20), un observera la pureté. On évitera l’excès de nourriture, l’ivrognerie, les
    conversations inutiles, les plaisanteries inconvenantes : on se gardera du vol, du mensonge, de la
    calomnie, de l’envie. On répudiera le bien mal acquis, l’usure. Vous n’ouvrirez pas de cabaret,
    vous ne percevrez pas de péage, de droits de passage sur les chariots ou sur les routes. Fuyez
    toute espèce de friponneries. On ne doit s’irriter contre personne. II ne faut jamais boire ni manger
    de très bonne heure, ni très tard après le chant, mais on mangera à l’heure convenable, en
    glorifiant Dieu. Les petits enfants et les serviteurs seront nourris selon la décision du mari et de la
    femme. Ne savez-vous pas que les hommes injustes n’hériteront pas du royaume de Dieu ?
    L’apôtre Paul a dit : « Si quelqu’un qui se nomme frère est concussionnaire, ou idolâtre. ou
    médisant, ou ivrogne, ou ravisseur, vous ne devez ni manger ni boire avec un tel homme (21). » Et
    il a dit aussi : « Ni les idolâtres, ni les profanateurs, ni les concussionnaires, ni les voleurs, ni les
    ivrognes, ni les médisants, ni les spoliateurs n’hériteront le royaume des Cieux » (22). Les chrétiens
    doivent donc se garder de toute mauvaise action.
  14. Comment les enfants doivent honorer leurs pères spirituels et leur obéir.
    Il convient de savoir quel respect les enfants doivent à leurs pères spirituels. Il faut chercher un
    père spirituel qui soit bon, pénétré de l’amour de Dieu, sage, raisonnable, qui ne soit ni
    complaisant, ni ivrogne, ni cupide, ni irascible. A un tel père on doit le respect et l’obéissance
    sans réserve : on se confessera à lui avec des larmes, on lui avouera sans honte et sans
    déshonneur ses péchés, on accomplira ses commandements. On l’appellera souvent dans sa
    maison, on le consultera en toute conscience : on accueillera ses instructions avec des sentiments affectueux, on lui obéira en tout. Honorez-le, inclinez-vous devant lui, très bas : il est votre
    maître, votre instituteur ! Que sa présence vous pénètre de crainte et d’amour : accourez à lui,
    apportez-lui une offrande, provenant de vos propres travaux, proportionnée à vos moyens.
    Consultez-le souvent sur le moyen de vivre utilement, soumettez à son examen vos péchés.
    [Voulez-vous savoir] comment le mari doit instruire et aimer sa femme et ses enfants, comment la
    femme doit écouter son mari, consultez-le tous les jours. Confessez toujours vos péchés à vos
    pères spirituels, avouez-les tous et humiliez-vous pleinement devant eux : car ce sont eux qui
    surveillent nos âmes et qui rendront témoignage de nos actes au jour terrible du jugement.
    On ne doit ni les injurier, ni les blâmer, ni leur faire des reproches. Si quelqu’un vous donne un
    sujet de plainte, vous devez l’écouter, pardonner au coupable, selon la gravité de sa faute, après
    avoir consulté les pères spirituels.
  15. Comment il faut élever et instruire ses enfants dans la crainte de Dieu.
    Si Dieu envoie dans une famille un fils ou une fille, le père et la mère doivent avoir soin de leurs
    enfants, leur donner tout ce qui leur est nécessaire, leur assurer une bonne instruction. Ils leur
    apprendront la crainte de Dieu, la sagesse et la décence. Avec le temps, en ayant égard au sexe
    des enfants et à leur âge, on leur enseignera le travail manuel. La mère instruira les filles, le père
    les fils, selon ce qu’ils méritent, selon les facultés que Dieu leur aura données : il faut les aimer, les
    surveiller et les sauver par la crainte. En les instruisant, en leur donnant des conseils, on doit,
    avec discernement, avoir recours aux punitions corporelles : si tu formes le caractère de tes
    enfants dans leur jeunesse, tu assures la tranquillité de ta vieillesse. Que le père veille avec soin
    sur la pureté corporelle de ses enfants, qu’il les préserve de tout péché, comme il veille sur la
    prunelle de ses yeux et sur son âme. Si les enfants commettent des péchés par suite de la
    négligence de leurs parents, ceux-ci en seront responsables au jour redoutable du jugement. Si
    les enfants sont négligés, si, parce que le père et la mère ont manqué à les instruire, ils
    commettent des péchés ou font le mal, les parents au même titre que les enfants, pèchent envers
    Dieu : ils seront en butte au blâme et aux railleries des autres hommes, leur maison sera en
    danger, ils éprouveront dies pertes et des dommages, les juges leur infligeront une amende et une
    flétrissure. Au contraire, si des parents pieux, sages et éclairé, ont su élever leurs enfants dans la
    crainte de Dieu, leur assurer une bonne éducation, une instruction bien comprise, s’ils leur ont fait
    prendre l’habitude de la sagesse et du savoir-vivre, s’ils les ont exercés à toute sorte
    d’occupations et de travaux manuels, alors ces enfants et leurs parents seront récompensés par
    Dieu, bénis par les prêtres et loués par les gens de bien. Et lorsque les enfants seront majeurs, les
    gens de bien, avec plaisir et reconnaissance, marieront leurs fils [avec leurs filles], quand ils
    auront atteint l’âge convenable, selon la volonté de Dieu; et leurs filles épouseront leurs fils, Si un
    fils né de tels parents est enlevé par Dieu, après qu’il s’est confessé et qu’il a communié, alors les
    parents présentent à Dieu une offrande sans tache : les enfants, admis dans les demeures
    éternelles oseront demander à Dieu la grâce et la rémission de leurs péchés et ceux de leurs
    parents.
  16. Comment on élève les enfants, comment on leur amasse une dot en vue du mariage.
    S’il naît une fille dans une maison, les parents avisés mettront de côté, à son intention, des
    revenus de tout genre, ou bien élèveront du bétail et en consacreront le fruit [à sa dot]. Pour elle,
    chaque année, ou placera dans un coffre solide de la toile, des tissus, des mouchoirs de toile, des
    fichus de taffetas (brodés de perles), des chemises, des robes, des pierres enfilées, un collier, des
    objets sacrés, des vases d’étain, de cuivre et de bois. On mettra toujours peu de chose à la fois,
    [on n’amassera pas] tout d’un coup : ainsi, sans être gêné, on aura de tout en abondance.
    Cependant les filles grandissent, instruites dans la crainte de Dieu et dans la sagesse; leur dot
    s’accroît en même temps, et quand vient le moment des fiançailles, tout se trouve prêt. Au
    contraire, le père qui ne se préoccupe pas de l’avenir de ses enfants, quand il s’agit de les marier,
    est, à ce moment là, obligé de tout acheter : un mariage précipité est alors une source visible
    d’embarras.
    Si la destinée divine enlève cette fille à ses parents, alors on célèbre en son honneur une messe
    [dont les frais sont pris] sur sa dot : pour son âme, on dit des prières pendant quarante jours, et
    [on prélève] sur sa dot de quoi faire des aumônes.
    Si l’on a d’autres filles, on usera à leur égard de la même prévoyance.
  17. Comment il faut élever ses enfants et les sauver par la terreur. (23)
    Punis ton fils dès sa jeunesse : il t’assurera une vieillesse paisible, et il sera la parure de ton âme.
    Ne faiblis pas en battant ton fils : si tu le frappes avec un bâton, il n’en mourra pas, il n’en sera
    que plus sain : car en frappant son corps, tu sauves son âme de la perdition.
    Si tu as une fille, inspire-lui de la crainte, préserve-là du péché : ainsi tu ne seras pas déshonoré,
    et elle sera docile. Qu’elle ne jouisse pas de sa liberté, que sa conduite inconsidérée ne te couvre
    pas de ridicule aux yeux de ceux qui te connaissent (24) ne te déshonore pas dans l’esprit du
    peuple. Si ta fille, quand tu la marieras, est sans reproche, alors tu auras accompli une belle
    oeuvre, e1 tu seras loué au milieu de l’assemblée [des hommes] : finalement, elle ne te causera
    pas de chagrin.
    Si tu aimes ton fils, donne-lui des coups : plus tard il fera ta joie.
    Punis ton fils quand il est jeune , arrivé a l’âge d’homme, il te donnera toute satisfaction : au
    milieu des méchants tu seras comblé d’éloges, et l’envie rongera tes ennemis. Élève ton enfant
    sévèrement : libre de souci en ce qui le concerne, tu seras heureux. Ne ris pas avec lui, ne joue
    pas avec lui, car si tu es faible dans les petites choses, tu souffriras dans les grandes, et, dans la
    suite, ton âme souffrira mille maux. Ne lui donne pas de liberté dans sa jeunesse, mais brise-lui le
    coeur, tandis qu’il grandit, s’il résiste et n’obéit pas; sinon, tu auras de l’ennui, de la douleur, du
    dommage dans ta maison, des pertes dans tes biens; tu seras blâmé de tes voisins, raillé par tes
    ennemis, le prince t’infligera une amende et tu seras accablé d’ennuis (25).
  18. Comment les enfants doivent aimer leur père et leur mère, prendre soin d’eux, leur obéir en
    tout, et leur assurer le repos.
    Enfants, obéissez aux commandements du Seigneur : aimez votre père et votre mère, écoutezles, obéissez-leur en toute chose, au nom de Dieu. Honorez leur vieillesse : de toute votre âme,
    assumez le fardeau de leurs maladies, de leurs chagrins : alors le bonheur vous sera assuré, et
    vous vivrez de longues années sur la terre : par cette conduite, vous rachèterez vos péchés, Dieu
    vous bénira et vous serez glorifiés par les hommes, votre maison sera bénie jusqu’à la fin des
    siècles, vous verrez les fils de vos fils, et vous atteindrez, pleins de force, la vieillesse, passant vos
    jours au milieu du bonheur.
    Celui qui médit de ses parents ou les offense, qui les maudit ou les injurie, celui-là est coupable
    devant Dieu, et le peuple le maudit. Si quelqu’un frappe son père et sa mère, qu’il s’éloigne de
    l’église et de toute cérémonie sacrée, et qu’une mort cruelle, infligée par la ville, mette fin à sa vie.
    Car il est écrit : « La malédiction d’un père dessèche, mais celle d’une mère déracine » (26). Si un
    fils ou une fille ne sont pas dociles aux avis d’un père ou d’une mère, ils courent à leur perte :
    ceux-là ne vivront pas toute leur vie, qui irritent un père ou causent du chagrin à une mère. Ils
    s’imaginent qu’ils ne pèchent pas envers Dieu, et ils lui sont plus odieux qu’un païen, et ils ont la
    même destinée que les impies. C’est à leur sujet que le prophète Isaïe a dit: « L’impie recevra la
    rétribution de ses actions, et il ne verra pas la gloire de Dieu ». Il appelait impie ceux qui
    n’honorent pas leurs parents. Il disait aussi : « Si quelqu’un se moque de son père et insulte à la
    vieillesse de sa mère, que les corbeaux becquettent ses membres, et que les aigles le
    dévorent » (28). Honore ton père et ta mère, obéis-leur en toute chose, au nom de Dieu : alors ils
    seront heureux d’avoir des enfants, et, quand le malheur les accablera, le Seigneur Dieu les en
    délivrera et entendra leur prière : ils le prieront de donner [à leurs enfants] tous les biens. Celui qui
    assure à sa mère le repos, accomplit la volonté de Dieu, celui qui complaît à son père vivra dans
    le bonheur. Quant à vous, enfants, en actes et en paroles, étudiez-vous à complaire à vos
    parents, à suivre toutes les règles de la sagesse, et ils vous béniront. La bénédiction d’un père
    affermit une maison, la prière d’une mère l’affranchit du malheur. Si, dans leur vieillesse,
    l’intelligence de ton père et de ta mère vient à s’affaiblit, abstiens-toi de paroles dédaigneuses ou
    de reproches : ainsi tu seras respecté de tes propres enfants. N’oublie pas la peine [que tu as
    donnée] à ton père et à ta mère, combien ils ont compati à tes souffrances et en ont été affligés;
    assure le repos de leur vieillesse et aie pitié d’eux, comme ils ont eu pitié de toi. Ne dis pas : « Je
    leur ai fait beaucoup de bien, je les ai vêtus, nourris, je leur ai donné le nécessaire en toute
    occasion ». Car tout cela ne te dégage pas [de tes devoirs] : tu ne peux donner le jour à ta mère, ni
    prendre soin d’elle, comme elle a pris soin de toi.
    Tu dois donc, avec crainte, avec l’humilité d’un esclave, les servir, pour obtenir de Dieu, a ton tour,
    la récompense, et t’assurer la vie éternelle, [donnée] il ceux qui accomplissent les
    commandements divins.
  19. Comment il convient à chaque homme de faire tout travail manuel et de commencer toute
    action par une prière. (29)
    Dans la vie domestique et partout, il convient à tout homme, maître ou maîtresse de maison, fils
    ou fille, serviteur ou servante, à tout artisan, jeune ou vieux, avant de commencer quoi que ce
    soit, qu’il s’agisse de se livrer à un travail manuel, de boire ou de manger, de faire rôtir ou de faire
    cuire, d’assaisonner quelque chose, de faire toute oeuvre manuelle ou tout oeuvre d’artisan,
    après s’être habillé et purifié, après s’être lavé les mains, de s’incliner trois fois jusqu’à terre
    devant les saints, ou, si on ne le peut, de s’incliner seulement jusqu’à la ceinture (30). Celui qui le
    peut, qu’il prononce la prière : « Oui, tu mérites d’être glorifiée, Mère de Dieu ! » (31) jusqu’à la fin;
    ensuite, après avoir demandé la bénédiction au supérieur, il devra, en prononçant la prière du
    Christ et en faisant le signe de la croix, dire : « Seigneur, Père, bénis-moi ! ». On devra ainsi
    commencer toute chose; alors à celui qui agit ainsi, la grâce divine vient en aide, les anges
    invisibles viennent à son secours, et les démons s’enfuient : une telle action l’honore devant Dieu,
    et elle est profitable à son âme.
    Il convient aussi, avant de manger et de boire, de faire des actions de grâces. Alors tout aliment
    sera doux : ce qui est utile est agréable au coeur. Il faut tout faire en priant et en s’entretenant de
    sujets convenables, ou garder le silence. Mais si, en faisant quelque chose, on se livre à des
    conversations vaines ou blâmables, ou si l’on se met a murmurer, à rire, à railler les choses
    saintes, ou si l’on s’adonne à des chants et à des jeux diaboliques, alors la grâce divine
    abandonne une telle oeuvre et de tels entretiens : les anges affligés, s’éloignent, et les démons
    impies se réjouissent, car ils voient leur volonté accomplie par les chrétiens, dans un moment de
    lutte. Alors les esprits de ruse et de malice s’approchent d’eux, inspirent à leur âme la
    méchanceté, la rancune, la haine, dirigeant les pensées de l’homme vers la colère, le sacrilège, le
    mal sous toutes ses formes. Alors les actions, quelles qu’elles soient, la nourriture, la boisson,
    cessent d’être profitables, et toute industrie et toute oeuvre manuelle ne s’accomplissent plus
    sous la protection de Dieu : au contraire, [tous ces actes] excitent sa colère et, au jugement des
    hommes, l’oeuvre, abandonnée de Dieu, devient inutile, odieuse, et cesse d’être profitable. Les
    mets, les boissons perdent leur goût, leur douceur; seuls l’ennemi [du genre humain] et ses
    serviteurs agréent cette œuvre et l’accueillent avec joie.
    Et encore, quiconque agit contrairement au bien en préparant des aliments et des boissons, celui
    qui, en faisant une œuvre manuelle ou une oeuvre d’artisan, vole, mêle ou change quelque chose,
    qui se rend coupable de tromperie, ou jure mal à propos; celui qui n’a pas fait tout ce qu’il devait
    faire, dans la mesure où il devait le faire, et profère un mensonge : celui-la déplaît à Dieu, les
    démons inscrivent ses actes, et il devra en rendre compte au jour du jugement dernier.
  20. Eloge des femmes. (32)
    Si Dieu donne à quelqu’un une bonne femme, elle a plus de prix qu’une pierre précieuse : une
    telle femme ne sera pas privée d’un bon profit; elle rend à son mari la vie bonne et douce. Elle se
    procure de la laine et du lin, et elle les travaille de ses propres mains. Semblable aux navires d’un
    marchand. elle amène de loin la richesse dans sa maison. Elle se lève dans la nuit, elle distribue
    les aliments aux habitants de sa maison et la tâche aux servantes : du fruit de ses mains elle fait
    naître un abondant revenu. Elle ceint ses reins de force et fortifie ses muscles pour le travail. Elle
    instruit ses enfants ainsi que ses serviteurs et sa lampe ne s’éteint pas de toute la nuit. Elle
    applique ses mains aux choses utiles et appuie ses coudes sur un fuseau Elle donne l’aumône
    aux pauvres et des fruits aux misérables. Son mari n’a pas à s’occuper de la maison; elle fait pour
    lui différents vêtements, ornée avec goût; elle en fait pour elle, pour ses enfants pour ses
    serviteurs. Son époux est toujours aux assemblées avec les grands, et y figure avec eux; il est
    honoré de tous ceux qui le connaissent : il prononce des paroles sensées, il sait comment on agit
    bien : personne ne sera récompensé, s’il ne travaille pas. Grâce à une femme vertueuse, le mari
    est heureux, et sa vie aura une durée double. Une femme vertueuse réjouit son mari et lui assure
    une vie paisible. Une bonne femme, tel est le bonheur que nous souhaitons à ceux qui craignent
    Dieu. La femme qui fait honneur à son mari, d’abord, sera bénie de Dieu pour avoir accompli la loi
    divine; en second lieu, elle sera louée par les hommes. Une femme bonne, qui aime la peine, qui
    est silencieuse, est la couronne de son époux (33). L’homme qui trouve une femme vertueuse tire
    des richesses de sa maison. Heureux est l’époux d’une telle femme : ils accompliront leur vie
    dans la paix et dans le bonheur. Une femme vertueuse fait honneur à son mari.
  21. Instruction à l’homme, à la femme, aux enfants et aux serviteurs : comment ils doivent se
    conduire.
    Le maître lui-même doit instruire sa femme, ses enfants et ses serviteurs à ne pas voler, à ne pas
    mentir, à ne pas calomnier, à ne pas porter envie aux autres. On ne doit pas offenser, calomnier,
    attaquer autrui, hasarder de mauvais jugements, se livrer à des excès de boisson, railler, être
    rancunier, s’irriter contre quelqu’un. [Au contraire, il faut] être obéissant et docile avec ceux qui
    sont d’une condition plus élevée, affectueux pour les gens de condition moyenne, affable et gracieux pour les inférieurs et les misérables. On rendra bonne justice à chacun sans délai, surtout
    on ne fera pas tort au mercenaire sur son salaire, on supportera avec reconnaissance une
    offense, pour l’amour de Dieu, et l’on souffrira l’outrage et le reproche. Si l’on t’inflige des
    outrages et des reproches mérités, accepte-les avec amour, évite les fautes qui te les ont attirés,
    et ne te venge pas : si tu es innocent, Dieu te récompensera. Aux gens de ta maison tu
    enseigneras la crainte de Dieu et toutes les vertus, et tu conformeras tes actes à tes leçons : et
    tous ensemble, vous recevrez la grâce de Dieu.
    Mais si, par négligence et par insouciance, le maître lui-même pèche, ou fait quelque mal, si la
    femme, si tous les habitants de la maison, hommes, femmes, enfants, parce que le maître a
    manqué à les instruire, commettent un péché ou font quelque chose de mal, s’ils se querellent ou
    volent quelque chose, tous indistinctement ils recevront la punition ou la récompense en raison
    de leurs actes. Ceux qui ont mal agi subiront les tourments éternels : mais ceux qui ont fait le
    bien, qui ont mené une vie agréable à Dieu, ceux-là hériteront de la vie éternelle dans le royaume
    des cieux. Et toi tu recevras une grande couronne, parce que tu n’avais pas souci seulement de
    toi-même, mais que tu as introduit tous ceux qui étaient avec toi dans la vie éternelle.
  22. Comment un doit se comporter avec les serviteurs de la maison et s’occuper d’eux; comment
    on doit leur enseigner les commandements de Dieu, l’organisation de la maison.
    Il faut avoir chez soi de bons serviteurs et veiller à ce qu’ils travaillent de leurs mains, chacun
    selon ses mérites, selon la besogne qu’on lui a apprise. Le serviteur ne doit être ni voleur, ni
    ivrogne, ni joueur, ni larron, ni brigand, ni débauché (34), ni magicien, ni entremetteur, ni trompeur.
    A tout homme appartenant à un bon maître on enseignera la crainte de Dieu, la sagesse,
    l’humilité, toutes les vertus : [on l’habituera] à se bien conduire, à ne pas mentir, à ne rien casser,
    à n’offenser personne. Qu’il se nourrisse et se vête avec le salaire que lui donne son maître, ou
    bien avec le produit de l’ouvrage de ses mains. Et si le maître lui donne quelque chose, un habit,
    un cheval, un effet d’habillement, un petit champ, un commerce quelconque, ou qu’il acquiert
    quelque chose lui-même grâce à ses travaux, il doit garder ses meilleurs vêtements de dessus et
    de dessous, les chemises.. les bottes, pour les fêtes, pour les jours où il vient des hôtes de
    distinction, et pour le beau temps : ainsi tout sera constamment propre, rien ne sera foulé, sali,
    taché, mouillé ou chiffonné.
    Mais si le serviteur est sot, grossier, ignorant, négligent, s’il a un vêtement neuf, donné par son
    maître ou fait de ses propres mains, et qu’il ne sache pas l’entretenir, alors le maître ou celui qui
    en a reçu l’ordre, garderont par devers eux le meilleur habit de ce grossier serviteur : on le lui
    donnera en temps opportun, ensuite on le lui retirera et on le gardera de nouveau à la maison.
    Pour tous les gens de service le règlement est le suivant : qu’ils travaillent toujours avec de vieux
    vêtements, mais, en présence du maître et des étrangers, ils revêtiront les habits propres qu’ils
    mettent les jours ordinaires. Les jours de fête, et lorsqu’il vient des hôtes de distinction, ou, dans
    un autre endroit, s’ils sont avec leur maître ou avec leur maîtresse, ils mettront alors leurs
    meilleurs vêtements, qu’ils devront préserver de la boue, de la pluie et de la neige. A peine
    rentrés, ils ôteront leur vêtement, le feront sécher, le battront, le frotteront et le nettoieront avec
    soin : ensuite ils le rangeront soigneusement et le mettront à sa place ordinaire. Alors le serviteur
    sera content de lui-même, il sera mieux considéré, le maître en tirera avantage, ainsi que les
    serviteurs, qui auront toujours des vêtements neufs.
    Que tes serviteurs soient respectueux, qu’ils soient dans la crainte et soumis à une surveillance
    attentive. Qu’ils ne se volent pas entre eux, qu’ils n’envient pas le bien d’autrui, et qu’ils gardent
    tous comme un seul homme le bien de leur maître ! Qu’ils ne mentent jamais au maître et à la
    maîtresse et ne calomnient personne! Les maîtres ne les écouteront pas à la légère : ils feront au
    contraire de sérieuses enquêtes et auront recours à des confrontations. Qu’ils ne permettent rien
    aux méchants, qu’ils récompensent les bons ! Alors chacun sera zélé pour le bien et tâchera de
    mériter une gratification du maître par son honnêteté et par l’exactitude de son service : il vivra
    toute sa vie sous l’influence de l’enseignement et de la bonne instruction qu’il aura reçue, sauvant
    son âme, servant son maître et étant agréable à Dieu.
    Surtout recommandez à ceux qui le peuvent d’aller toujours à l’église de Dieu les jours de fête, ou
    d’entendre les chants à la maison et de prier en particulier. Invitez-les aussi à garder la pureté
    corporelle, à se préserver de toute ivrognerie et de toute gourmandise, à ne pas manger à des
    heures irrégulières, à s’abstenir des excès de table, de l’ivresse, à avoir, eux et leurs femmes, des
    pères spirituels, et à se rendre auprès d’eux pour faire pénitence. Les hommes mariés doivent
    vivre avec leurs femmes selon la loi, d’après l’instruction du père spirituel. Et tout ce qu’un
    serviteur a appris de son maître, il doit l’enseigner à sa femme, l’habituer à la crainte de Dieu, à la
    sagesse. Celle-ci doit, avec attention, obéir en tout à sa maîtresse, la servir scrupuleusement par
    ses travaux et par son ouvrage manuel. Elle ne doit ni voler, ni mentir, elle ne boira pas avec
    excès. elle n’approchera pas de sa maîtresse avec de mauvaises paroles: elle fuira les magiciens,
    leurs herbes et leurs simples, et elle ne parlera pas de ces gens à ses maîtres, car ils sont des
    serviteurs du démon, mais elle servira ses maîtres avec foi et honnêteté, faisant de bonnes
    actions et se livrant à d’honnêtes travaux.
    Quant aux maîtres et aux maîtresses, ils doivent rémunérer tous leurs serviteurs, hommes,
    femmes et enfants, les nourrir, les vêtir, les faire vivre dans une demeure bien chaude, dans le
    repos et dans l’abondance. Quand ils ont mis leur âme en sûreté, organisé convenablement leur
    maison, préservé les serviteurs de la maladie, les maîtres doivent aussi donner asile aux pauvres,
    aux voyageurs, aux misérables, aux veuves et aux orphelins, avec le produit de leurs travaux
    conformes à la justice. Il convient d’apporter des aumônes dans les églises de Dieu, d’en offrir
    aux gens d’église et aux monastères, d’inviter chez soi, dans sa maison, les ecclésiastiques :
    cette oeuvre est agréable à Dieu, utile à l’âme. Et que rien ne pénètre dans une maison de ce qui
    provient de la violence, du pillage, de la corruption ou des promesses, de la calomnie, de l’usure,
    de la chicane, de l’injustice. Si Dieu te garde de ce mal, ta maison sera bénie dans le présent, et
    jusqu’à la fin des siècles.
  23. Comment les chrétiens doivent se soigner, [quand ils sont atteints] par la maladie ou par la
    douleur. (35)
    Si Dieu envoie à quelqu’un une maladie ou une douleur, il faut la soigner par la grâce de Dieu, par
    les larmes, par la prière, par le jeûne, par l’aumône, par la pénitence sincère. II faut remercier le
    Seigneur, lui demander pardon, faire preuve d’humanité et de vraie charité envers chacun. Il faut
    inviter nos pères spirituels à prier Dieu, chanter des offices, consacrer de l’eau avec la croix
    vénérable et les saintes reliques et les images thaumaturges, et se faire oindre d’huile sainte; faire
    des voeux dans les endroits saints, où s’accomplissent des miracles, prier en toute pureté de
    conscience. Ainsi l’on reçoit de Dieu la guérison des maux les plus divers. Il faut donc s’éloigner
    de tous les péchés, n’en plus commettre à l’avenir : on doit observer les commandements des
    pères spirituels et accomplir les pénitences imposées. Ainsi on est purifié du péché, ainsi est
    guérie la maladie spirituelle et corporelle, ainsi l’on s’assure la miséricorde divine.
    Celui-là ne guérira pas qui, sans peur et insolent, n’a pas la crainte de Dieu et ne fait pas la
    volonté de Dieu, qui n’observe pas la loi chrétienne et la tradition des Pères, sur l’Église de Dieu
    et sur le chant ecclésiastique, sur les règles de la cellule et sur la prière, qui ne se préoccupe pas
    de rendre gloire à Dieu; qui mange et boit avec intempérance, qui se gorge de mets et de vin, au
    moment qui n’est pas convenable; qui n’observe pas la loi…; qui commet des actions honteuses
    et sacrilèges; qui entonne des chansons inspirées par le diable; qui danse, qui saute, qui joue des
    instruments à corde (36), du tambourin, de la trompette, du chalumeau, qui entretient des ours
    (37), des oiseaux, des chiens de chasse , qui fait des courses de chevaux, qui se livre à des
    plaisirs démoniaques, à toute espèce d’abominations et d’impudences; qui, de plus, pratique des
    enchantements, des sortilèges, des noeuds magiques, l’astrologie, les livres divinatoires (38), les
    almanachs, la magie noire, la divination, qui a recours au « chestokryl », qui use des « flèches du
    tonnerre », des « hachettes », des « ousovniks » (39), des « deux pierres », des « os magiques »; qui fait
    toute sorte d’actions diaboliques, ou qui, par sorcellerie, en usant d’herbes, de racines, nourrit
    (ses victimes) pour les faire servir à ses actes de sorcellerie, ou par des mots démoniaques et par
    des enchantements amène les hommes a commettre le mal sans toutes ses formes; qui invoque
    le nom sacré de Dieu pour appuyer un mensonge ou qui calomnie un ami. (Lisez également le
    chapitre 24). Tous les actes de ces hommes-là, toute leur conduite, toutes leurs moeurs, ne
    respirent que la fierté. l’envie, la rancune, la colère, la haine, l’injustice et toutes les mauvaises
    passions.
  24. De la vie injuste.
    Celui qui ne vit pas selon 1a loi divine, selon les règles de la vie chrétienne, qui commet toute
    sorte d’injustices, de violences et de méchancetés; qui enlève par force, qui prend sans payer, qui
    retarde indéfiniment le paiement, qui opprime en toutes circonstances le faible; qui n’est pas bon
    pour ses voisins, qui, au village, maltraite ses paysans; qui, dans sa chancellerie, ou dans son
    domaine, impose de lourdes contributions et des redevances injustes; qui laboure le champ
    d’autrui, qui fait couper un bois, qui exploite une terre au-delà des limites fixées, qui fait faucher
    un pré, qui s’empare du poisson péché, des ruches, des filets [tendus pour la capture des
    oiseaux], et de toute sorte de gibier; qui se procure toutes ses ressources par l’injustice et la
    violence; qui pille, qui vole, qui maltraite les passants sur la route, pille un propriétaire sur son
    propre domaine, le frappe et l’outrage; qui dévaste des prairies, défonce des champs labourés,
    commet toute sorte d’injustices; qui calomnie, qui expose quelqu’un à des poursuites iniques, qui
    lance des accusations fausses et mensongères; qui au mépris de toute justice livre quelqu’un
    [pour de l’argent] , qui réduit en servage, par ruse et par violence, des hommes libres; qui ne juge
    pas honnêtement, ou poursuit contre toute justice, ou porte un témoignage mensonger, ou traite
    durement ceux qui se repentent; qui s’empare violemment d’un cheval, d’un animal, d’une
    propriété quelconque, de champs, de vignes, de salines, de moulins, de magasins, de hangars, lie
    fermes, de bâtiments de toute espèce, ou qui oblige à les vendre à vil prix, ou les extorque à force
    de chicanes; qui s’enrichit par des trafics immoraux, ou par l’usure, ou par toute sorte de ruses
    perfides, par des moyens injustes, en écrasant [ses débiteurs], sous la charge des intérêts, ou par
    la perception des péages, qui commet des actions indignes: que le maître ou la maîtresse soient
    les auteurs de ces actes, ou leurs enfants, ou leurs gens, ou leurs paysans, si les maîtres ne leur
    interdisent pas une telle conduite ou n’y mettent pas obstacle, si [les coupables] n’accordent pas
    satisfaction [à l’offensé], tous indistinctement iront aux enfers, et seront maudits ici-bas.
  25. De la vie juste
    Si quelqu’un conforme sa vie aux lois de Dieu et aux commandements du Seigneur, à la tradition
    des Pères et à la loi chrétienne, si, dans une haute condition, il rend une stricte et loyale justice à
    tous indistinctement riches et pauvres, parents et étrangers, il se contentera de revenus justement
    acquis et ordonnera à ses gens de l’imiter sur ce point. Si quelqu’un, dans un village ou dans une
    ville, est bon pour ses voisins et pour ses paysans; si, dans son domaine, ou dans sa
    chancellerie, il n’exige que les redevances légitimes et ne les réclame qu’en temps convenable,
    sans recourir à la violence, au pillage, aux tourments; si, par suite d’une mauvaise récolte,
    personne ne peut payer, il fera des concessions. S’il manque quelque chose chez le voisin ou
    chez le paysan de son domaine, s’ils n’ont pas de semences, pas de cheval, pas de vache ou
    s’ils ne peuvent payer les redevances seigneuriales, le propriétaire doit leur prêter ce qui leur est
    nécessaire et les secourir. S’il est lui-même dépourvu, alors il empruntera le nécessaire : il doit
    avoir compassion d’eux de toute son âme, et les protéger, conformément à la justice, contre
    quiconque voudrait les offenser. Quant au maître, il se gardera de les léser en quoi que ce soit,
    relativement au labour, à la terre, aux provisions, à la maison ou ailleurs, ou en ce qui concerne le
    bétail. Il ne désirera pas les biens acquis par des voies injustes : des fruits bénis de Dieu, des
    acquisitions conformes à la justice, voilà ce qui convient à tout chrétien.
    Alors Dieu, témoin de votre bonne conduite, de votre douceur, du sincère amour que vous portez
    à tous ceux qui vous entourent, de votre scrupuleuse justice, vous comblera des trésors de sa
    grâce et de l’abondance de ses dons, et multipliera tous vos biens. Et cette aumône que vous
    faites avec un argent honnêtement gagné, celle-là est agréable à Dieu : il écoutera votre prière,
    vous fera grâce de vos péchés et vous donnera la vie éternelle.

    Traduit par E. Duchesne, Agrégé de l’Université.


    Notes de la traduction
    1) Le manuscrit porte, à cet endroit, les noms de Silvestre, de son fils Anthime, et de Pélagie
    (femme d’Anthime). « Plus tard, l’ouvrage avant été souvent transcrit pour différentes personnes,
    les noms propres furent remplacés pur une formule » (équivalent à notre N.) Note tirée de
    Bouslaïev, Chrestomatie, 6e édition p. 234.
    2) Véniamine ( Novaïa Skrijal’, l4e éd.; St Pet. 1884, p. 147) définit ainsi la « prosphora » : « La
    Prosphora, à l’oblation, est un pain où entre du levain; ce pain reçoit le nom de prosphora ou
    « offrande ». Il se compose toujours de deux parties. Cf. aussi L. Clugnet, Dict. grec-français des
    noms liturgiques en usage dans l’Eglise grecque. Paris, 1895 p. 130. C’est l’ancien terme grec en
    usage dans les églises primitives pour désigner l’offrande du pain consacré à Dieu et dont on
    rendait grâce dans l’Eucharistie. D’après Actes XXI.26, et XXIV. 17, ce terme désignait déjà les
    offrandes présentées au temple de Jérusalem.
    3) Véniamine, ib. p. 437. « Quand nous ensevelissons des morts et que nous célébrons un service
    commémoratif en leur honneur, nous présentons la koutia c’est-à-dire du blé cuit, assaisonné de
    miel. »
    4) « Aliment préparé pour un service commémoratif. » Sresnevski (Matériali dlia Slovaria…) ne
    donne pas d’autre indication.
    5) Ce passage, jusqu’au chapitre V, ne figure pas dans le manuscrit Konchine.
    6) Saint Paul, épître aux Romains, XIII. 1-2
    7) Cf. chap. 3.
    8) Saint Matthieu, V. 23-24
    9) A cet endroit, un feuillet manque dans le ms. Konchine : la lacune est comblée à l’aide de
    quatre autres Manuscrits.
    10) Fête de l’Epiphanie.
    11) C’est ce jour-la qu’avait lieu sur les places et dans les rues de Constantinople la procession
    de la Croix, apportés la veille du palais de l’Empereur dans la cathédrale de Sainte-Sophie. La
    croix n’était rapportée au palais que le 14 août. Telle est l’origine de cette fête russe.
    12) Courte prière d’origine ecclésiastique. Cf. Clugnet, p. 153.
    13) Swson, Kurie, ton laon Sou…
    14) En Iordanh baptizomenou Sou, Kyrie, h thV TriadoV Efanerwqh proskunhsiV
    13
    15) Ici, il s’agit de la table où les invités ecclésiastiques prennent leur repas, dans la maison.
    « Trapeza », désigne, en particulier, « la table sur laquelle les religieux prennent leur repas dans un
    monastère. » Clugnet. loc. cit., p. 151. La « table » est réservée aux laïques.
    16) Saint Luc, XIV. 8-11.
    17) « Le grand Basile (saint Basile) dit : Comme la fumée chasse les abeilles, ainsi l’ivrognerie
    chasse le Saint-Esprit. » Stoglav, 2e éd. Kazan, 1887. p. 117-118. Le même recueil blâme les jeux
    à peu près dans les mêmes termes. « Réponse sur les jeux d’invention démoniaque, d’origine
    grecque » ib. p. 182. Le Stoglav est le recueil des procès-verbaux de l’assemblée ecclésiastique
    de 1551.
    18) (?) Nombres, 16,31-35.
    19) La traduction des douze premières lignes reproduit, presque littéralement, la trad. de 14 M.
    Léger, op. cit, p. 116.
    20) « Il commence le 1er août pour prendre fin le 15 du même mois. » Venianime, loc. cit. p. 238.
    21) Saint Paul, 1ere Epître aux Corinthiens V. 11.
    22) Ib. VI. 10.
    23) M. Léger, op. cit. a traduit des fragments de ce chapitre (p. 122).
    24) Correction, tirée d’un autre manuscrit.
    25) Dans tout ce chapitre, l’auteur se souvient visiblement des Proverbes. Voir en particulier, XIII.
    24; XIX. 18; XXIII. 13-14; XXIX. 17.
    26) On rencontre une pensée analogue, sous une forme un peu différente, dans un ouvrage de
    l’archimandrite Amphilokhi, né en 1818, Slovar iz Pandecta Antiocha (publié d’après un manuscrit
    du XIe siècle). « La prière d’un père affermit les demeures de ses enfants, mais la malédiction
    d’une mère les déracine. » V. Sreznevski (Materialy) sub voce « iskoreniati »
    27) Esaïe, III. 11.
    28) Le texte cité est imité librement, non d’Esaïe, mais des Proverbes, chap. XXX. 17.
    29) Le début de ce chapitre a été traduit par M. Léger. Cf. op. cit. p. 115.
    30) Cf. chap. 12. page 13. ligne 1.
    31) Axion estin wV alhqwV makarizein Se thn Qeotokon
    32) Imité des Proverbes. Cf, chap. 31. v. 10 sqq. Cf. sur tout ce passage, Die Sprüche, erklärt von
    D. G. Wildeboer, Freiburg I. B. 1894, p. 91-92.
    33) L’expression se trouve déjà dans le Slovo Daniila Zatotchenika (XIIIe s.) V. Sreznevski,
    Materialy, sub voce « viénets ». Sr. explique ce mot par « la parure », mais ne garantit pas ce sens.
    34) Le manuscrit Konchine porte ici « bloudnik », omis dans l’édition Glazounov. On lit dans la vie
    d’André [surnommé] Iourodivy : « bloudnik i kortchmit » (pornokaphloV)V. Sreznevski, Materialy, p.
    1414, sub voce « kortchmit ». Les deux mots sont rapprochés de la même façon dans le
    Domostroï. André vivait au Xe siècle. Sa vie est connue par des manuscrits du XVe – XVIe s.
    35) M. Léger, op. cit., p. 118-l19, a traduit presque tout ce chapitre. La présente traduction
    reproduit à peu près littéralement la sienne.
    36) Le Stoglav, loc. cit., P. 184, I. 8, proscrit les mêmes instruments.
    37) Bouslaïev (Moskovskia Viédomosti, l582, n° 52) croit que ce passage fait allusion à un jeu
    aimé du peuple, et souvent dangereux : on faisait combattre des hommes avec des ours. Ce
    divertissement fut particulièrement en honneur sous le règne de Féodor Ivanovitch (1584 – 1598).
    Cf. aussi le Stoglav, loc. cit., p. 185, I. 10 – 11, où la même défense est faite.
    14
    38) Le Stoglav interdit à peu près les mêmes livres et les mêmes pratiques. Cf. loc. cit., p. 89.
    Question 22. Cf. sur les livres d’astrologie et de divination, Pypine, Hist. de la litt. russe, 1ere éd.,
    p. 479. Les « raphli » traitent de l’influence des astres sur la destinée humaine. Le « chestokryl » se
    compose de tables astronomiques, dressées par l’astronome juif Emmanuel Ben-Jacob. Cf. un
    spécimen de deux pages de cet ouvrage dans Sobolevski. Perevodnaia literatoura Moskovskoï
    Rousi, Saint- Pétersbourg, l903.
    39) Bouslaïev (Chrestomathie, p. 239) n’explique pas ce mot.
    PRÉFACE
    En 1849, D. P. Golokhvastov publiait intégralement dans les Annales de la Société impériale
    d’histoire et d’antiquité russes de Moscou, un ouvrage intitulé Domostroï (1). Il en avait eu
    communication par N. M. Konchine, directeur des écoles du gouvernement de Tver. L’ouvrage
    était extrait d’un « sbornik »» (recueil) manuscrit, où il précédait d’autres oeuvres de différente
    nature. L’édition de Golokhvastov prenait pour base le manuscrit de Konchine, mais l’éditeur
    imprimait en même temps les variantes de quatre autres manuscrits. En 1882, M. I. Zabiéline a
    publié une autre édition du Domostroï, qui représente une rédaction un peu différente. La présente traduction qui ne porte que sur la première partie de l’ouvrage, soit 25 chapitres sur 61,
    laisse de côté cette seconde rédaction : elle a été faite sur la médiocre édition classique publiée à
    Saint-Pétersbourg par le libraire Glazounov (2). Cette édition reproduit le texte du manuscrit
    Konchine (d’après Golokhvastov), avec des additions empruntées aux manuscrits de l’édition de
    1849.
    Le Domostroï est communément attribué au pope Silvestre, qui jouit pendant quelque temps de
    la faveur d’Ivan le Terrible (3). Est-il l’auteur de l’ouvrage ou s’est-il borné à adapter une oeuvre
    antérieure ? La question est controversée. Quoi qu’il en soit, la critique russe a, dès l’apparition
    du Domostroï, reconnu son importance et montré ce qu’on en pouvait tirer pour l’histoire de la
    société russe au XVIe siècle. Les intéressants articles de I. Porfiriev, de M. I. Zabiéline, de M. V.
    Klioutchevski, où ce point de vue est développé, l’ont bien mis eu lumière.
    On trouvera une bibliographie détaillée des principaux travaux relatifs au Domostroï – écrits en
    russe – dans Pypine, Histoire de la littérature russe, t. II, p. 221 (1ere édition). L’article « Silvestre »
    de l’Encyclopédie russe de Brockhaus et Ephron est un excellent résumé de tout ce qui a été écrit
    sur ce livre.
    Les travaux français sur le même sujet sont peu nombreux. Sur le fond même de l’ouvrage, sur sa
    nature, on lira avec profit un article de M. Louis Léger, « La femme et la société russe au XVIe
    siècle » dans Russes et Slaves, 1 série, et les pages de M. K. Waliszewski (op. cit., p. 101-107).
    Je n’aurais probablement pas tenté la traduction de ce texte, souvent difficile, si des secours
    précieux n’avaient singulièrement facilité ma tâche. M. L. Léger a expliqué le Domostroï au
    Collège de France : j’ai pu assister à une partie de ses leçons. Là où cette aide me faisait défaut,
    je n’ai jamais eu en vain recours à son obligeance.
    M. Paul Boyer, à l’École des langues orientales, a interprété les chapitres du Domostroï qui
    figurent dans la Chrestomathie de Bouslaïev : j’ai assisté à ses leçons et j’ai plaisir à reconnaître
    cette autre dette.
    Si, en dépit de tous ces secours, j’ai laissé échapper quelques erreurs, j’en demeure responsable.
    Notes de la préface
    1) Le mot est formé de « Dom » maison, et de « stroïti », organiser, disposer; on le traduira
    commodément par « ménagier ».
    2) C’est la seule édition qu’on puisse se procurer en ce moment.
    15
    3) Voir, sur ce personnage, le récent ouvrage de K. Waliszewski, Ivan le Terrible, p. 174 et p. 302.
    Table des matières
    Préface
  26. Instructions d’un père à son fils.
  27. Comment les chrétiens doivent croire à la Sainte Trinité, à la Très Pure Mère de Dieu, à la croix
    du Christ, aux saintes puissances célestes incorporelles, à tous les saints, aux respectables et
    saintes reliques, et s’incliner devant elles.
  28. Comment il convient de prendre part aux mystères divins, de croire en la résurrection des
    morts, d’attendre le jugement dernier, et de s’approcher de toutes les choses saintes.
  29. Comment il faut aimer Dieu de toute son âme, ainsi que son prochain : comment il faut craindre
    Dieu et songer à la mort.
  30. De l’honneur du aux évêques, aux prêtres et aux moines.
  31. Il faut visiter dans les monastères, dans les hospices et dans les prisons, tous ceux qui
    souffrent.
  32. Comment il convient d’honorer le Tsar et le prince et de lui obéir en tout; de s’humilier devant
    un supérieur, de le servir en toute justice, de se dévouer aux grands et aux petits, aux affligés et
    aux infirmes; comment on doit se conduire et veiller sur soi-même.
  33. Comment il faut orner ta maison des images saintes et la tenir propre.
  34. Comment il convient d’aller dans les monastères et dans les églises avec des offrandes.
  35. Comment il faut inviter les prêtres et les moines à venir prier dans sa maison.
  36. Il faut nourrir, dans la maison, ceux qui viennent, et les bien traiter.
  37. Comment le maître, dans sa maison, doit prier avec sa femme et ses serviteurs.
  38. Comment il convient à l’homme et à la femme de prier à l’église, de garder la pureté et de ne
    faire aucun mal.
  39. Comment les enfants doivent honorer leurs pères spirituels et leur obéir.
  40. Comment il faut élever et instruire ses enfants dans la crainte de Dieu.
  41. Comment on élève les enfants, comment on leur amasse une dot en vue du mariage.
  42. Comment il faut élever ses enfants et les sauver par la terreur.
  43. Comment les enfants doivent aimer leur père et leur mère, prendre soin d’eux, leur obéir en
    tout, et leur assurer le repos.
  44. Comment il convient à chaque homme de faire tout travail manuel et de commencer toute
    action par une prière.
  45. Eloge des femmes.
  46. Instruction à l’homme, à la femme, aux enfants et aux serviteurs : comment ils doivent se
    conduire.
  47. Comment un doit se comporter avec les serviteurs de la maison et s’occuper d’eux; comment
    on doit leur enseigner les commandements de Dieu, l’organisation de la maison.
  48. Comment les chrétiens doivent se soigner, [quand ils sont atteints] par la maladie ou par la
    douleur.
  49. De la vie injuste.
  50. De la vie juste.

Source : http://orthodoxievco.net/ecrits/domostroi.pdf

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