Peut-on représenter la résurrection du Christ ?

Les Evangélistes ne disent pas comment la Résurrection du Christ eut lieu, comment était le Sauveur ressuscité, de quelle façon Il avait quitté le sépulcre scellé, etc. L’Evangéliste St. Matthieu qui décrit cet événement avec plus de détails que les autres, parle d’un grand tremblement de terre, de l’ange venu pour rouler la pierre du sépulcre, de la frayeur des soldats à sa vue et de ce que l’ange annonce aux femmes myrrhophores la Résurrection déjà accomplie : « Il n’est pas là ; car Il est ressuscité, comme II l’avait dit… » (Matth. XXVIII, 6).

Non seulement il n’y a aucune description de la Résurrection dans les Evangiles, mais les descriptions détaillées de ce qui avait précédé cet événement et de ce qui suivit soulignent encore plus le silence total concernant le moment même de la Résurrection. Les Evangiles ne donnent donc aucun élément précis pour la description du moment même de la Résurrection et, par conséquent, pas non plus pour sa représentation. L’Eglise nous en explique la raison dans le Canon Pascal.: « Ayant gardé intacts les scellés, ô Christ, Tu es ressuscité du sépulcre, Toi qui n’as pas violé le sein de la Vierge lors de Ta naissance… » (Ode 6 du Canon Pascal de St. Jean Damascène). « Lors de la Résurrection du. Christ non seulement la pierre ne fut pas déplacée, mais même les scellés demeurèrent intacts. Et la Vie resplendit du sépulcre, tandis que le sépulcre était encore scellé. Le Ressuscité sortit du sépulcre tout comme Il devait plus tard entrer chez Ses disciples, les portes demeurant closes. Il sortit du sépulcre sans qu’aucun indice extérieur put frapper l’oeil d’un témoin » (1)). De même que la nativité virginale, la Résurrection du Christ demeure un mystère insondable, inaccessible à aucune investigation humaine et par conséquent à aucune description, que ce soit par la parole ou par l’image. Le silence des Evangélistes témoigne non seulement de leur sincérité totale, mais encore de ce que le mystère de la Résurrection exige de nous un effort de la foi : « Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru » (Jean XX, 29).

Et pourtant St. Siméon le Nouveau Théologien pose la question : « Que chantons-nous : Ayant cru à la Résurrection du Christ ? Non, nous chantons : Ayant contemplé la Résurrection du Christ, adorons le saint Seigneur Jésus… Comment donc l’Esprit Saint nous incite-t-il à chanter que nous avons contemplé la Résurrection du Christ, alors que nous ne l’avons pas vue, puisque le Christ est ressuscité il y a plus de 1000 ans et même alors personne ne l’avait vu ressusciter ? Le chant de l’Eglise ne veut-il pas nous enseigner à proférer un mensonge ? Certes non. Au contraire, il nous enseigne à dire par ces paroles une entière vérité, en nous rappelant cette résurrection du Christ qui s’opère en chacun de nous, fidèles, et qui s’opère non pas simplement, mais de façon éclatante de lumière et du rayonnement de Sa Divinité et de son incorruptibilité… En ceux donc, dans lesquels le Christ est apparu ressuscité, Il est aussi visible spirituellement, on peut Le contempler par les yeux de l’esprit » (2)). « C’est pourquoi l’Eglise commence le Canon Pascal par l’appel que voici : Purifions nos sentiments (de tout péché, de tout ce qui est vain, corruptible) et contemplons, du moins en pensée, le Christ resplendissant d’une manière inaccessible (pour la chair et le sang) et entendons Sa parole : Réjouissez-vous ! » (3)).

Ainsi, la contemplation de la Résurrection du Christ n’est accessible qu’à notre regard spirituel purifié de tout péché. C’est là un état qui, à cause de notre infirmité, n’est atteint que rarement et par peu d’hommes. C’est pourquoi nous remplaçons la contemplation spirituelle que nous ne pouvons atteindre par une image sensible et osons compléter le récit évangélique mentionné par « nos propres idées », en représentant le Ressuscité sortant du sépulcre. Il n’est pas difficile de voir, dit le Patriarche Serge (3), à quel point une telle interprétation arbitraire déforme le récit évangélique. Non seulement le récit évangélique est déformé, mais, puisque nous regardons le moment même de la Résurrection, son mystère cesse d’être objet de notre foi. Si « le chant de l’Eglise ne veut pas nous enseigner à proférer un mensonge », nous le proférons nous-mêmes, malgré le témoignage de l’Evangile et malgré l’iconographie orthodoxe sanctifiée par la Tradition de l’Eglise, iconographie qui traduit exactement ce témoignage dans ces icônes pascales. Or, ces icônes nous montrent tout ce dont les apôtres et les disciples du Christ furent témoins l’apparition du Ressuscité à Marie-Madeleine, l’ange parlant aux femmes myrrhophores et les « pièces à conviction », pour ainsi dire les bandes mortuaires restées dans le tombeau dans l’état où elles enveloppaient le corps de l’Enseveli. C’est en les voyant que l’Apôtre St. Jean « vit et crut ».

L. OUSPENSKY.

(Source : https://iconophile-orthodoxe.blogspot.com/…/peut-on…)

(1) Patriarche Serge : « Résurrection du Christ et résurrection de Lazare » Moscou 1933

(2) Or. 42 : « Qu’est-ce que le Mystère de la Résurrection ? »

(3) Patriarche Serge : « Résurrection du Christ et résurrection de Lazare » Moscou 1933.


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