LES CONFESSIONS DE SAINT AUGUSTIN (Livre XIII)

LES CONFESSIONS DE SAINT AUGUSTIN

Traduction de E. Tréhorel et G. Bouissou
LIVRE XIII

VALEUR SPIRITUELLE DE LA CRÉATION

Introduction: la bonté gratuite de la création

Invocation à la Bonté prévenante de Dieu.

1. 1. Je t’appelle, ô mon Dieu, ô ma miséricorde 1toi qui m’as fait et n’as pas oublié qui t’avait oublié. Je t’appelle dans mon âme, que tu prépares à te recevoir par le désir que tu lui as inspiréMaintenant que je t’appelle, ne m’abandonne pas, puisqu’avant que je t’appelle tu as pris les devants 2 et insisté par de fréquents appels de voix de tout genre pour que j’entende de loin et me retourne et réponde à ton appel vers moi par mon appel vers toi. Oui, Seigneur, tu as effacé tout le mal, mes démérites, pour n’avoir pas à rétribuer d’un châtiment mes main 3 dans lesquelles j’ai défait ton œuvre et tu as devancé tout le bien, mes mérites, pour avoir à rétribuer tes mains par lesquelles tu m’as fait 4. C’est que, dès avant que j’eusse l’être, toi, tu étais, et je n’étais pas tel que tu dusses m’accorder l’être et voici pourtant que je suis, par ta bonté qui a devancé tout ce que tu m’as fait et tout ce dont tu m’as fait. Car il n’est pas vrai que tu aies eu besoin de moi; ni que moi je sois un bien de qualité dont tu pourrais t’aider, mon Seigneur et mon Dieu 5; ni que je puisse me mettre à ton service comme pour t’éviter fatigue dans l’action ou diminution de ton pouvoir privé de mon hommage;, ni que je te doive un culte comme à la terre une culture de sorte que tu sois «inculte » si je ne te rends un culte mais je te dois im service et un culte, pour que de toi me vienne le bien de mon être, de toi dont me vient d’être pour recevoir le bien de mon être.

Création et formation sont des effets gratuits de la Bonté divine.

2. 2. Car c’est de la plénitude de ta bonté que ta créature a, reçu l’être, afin qu’un bien, qui ne te serait utile en rien et qui, n’étant pas tiré de toi 6, ne pourrait t’égaler, cependant ne manquât pas d’être, puisqu’il pouvait être fait par toi. Quel mérite en effet ont eu devant toi le ciel et la terre, que tu as faits dans le principe 7Qu’elles disent quel mérite elles ont eu devant toi, la créature spirituelle et la créature corporelle: tu les fis dans ta sagesse 8de telle sorte que là étaient suspendus même les êtres ébauchés et informes qui, chacun dans son genre, l’un spirituel, l’autre corporel, s’en allaient vers le désordre et la dissemblance loin de toi, le spirituel informe ayant plus de valeur que s’il était un corps pourvu de forme, le corporel informe ayant plus de valeur que s’il était pur néant; et ainsi resteraient-ils suspendus informes dans ton verbe, si par ce même verbe ils n’étaient rappelés à ton unité et pourvus de forme et ne devenaient par l’Un, par toi l’être souverainement bon, universellement très bons 9Qu’avaient-ils mérité devant toi pour être ne fût-ce qu’informes, eux qui n’auraient même pas été cela, sinon par toi?

2. 3. Qu’a-t-elle mérité devant toi, la matière corporelle, pour être ne fût-ce qu’invisible et inorganisée 10puisqu’elle n’eût même pas été cela, si tu ne l’avais faite? Et c’est précisément parce qu’elle n’était pas, qu’elle ne pouvait devant toi mériter d’être. Et qu’a-t-elle mérité devant toi, l’ébauche de la créature spirituelle, pour être ne fût-ce qu’un flottement ténébreux, qui serait semblable à l’abîme 11, dissemblable de toi, si par ce même verbe elle ne s’était é vers le même verbe qui l’avait faite, et, illuminée par lui, n’était devenue lumière 12, conformée, quoique inégalement, conformée pourtant à la forme égale à toi 13? De même en effet! que, pour un corps, être n’est pas la même chose qu’être beau, sans quoi il ne pourrait être difforme; de même aussi, pour un esprit créé, vivre n’est pas la même chose que vivre sagement, sans quoi il serait immuablement sage. Mais il est bon pour lui d’adhérer toujours à toi 14, de peur que la lumière qu’il a obtenue en se tournant vers toi, il ne la perde en se détournant de toi, et ne retombe dans une vie semblable au ténébreux abîme. Oui, nous aussi, qui sommes par l’âme une créature spirituelle, en nous détournant de toi, notre lumière, nous avons été autrefois ténèbres 15dans cette vie, et nous peinons dans ce qui reste de notre obscurité, jusqu’à ce que nous soyons ta justice dans ton Fils Unique comme les montagnes de Dieu: car, nous avons été tes jugements de condamnation comme le profond abîme 16.

«Que la lumière soit»: illumination de la créature spirituelle.

3. 4. Quant à ce que tu as – dit dans les premières créations: « Que la lumière soit faite, et la lumière fut faite 17 », je l’entends sans inconvenance de la créature spirituelle, parce qu’elle était déjà en quelque manière une vie que tu devais illuminer. Mais, de même qu’elle n’avait pas mérité devant toi d’être ainsi une vie qui pût être illuminée, de même, quand elle était déjà, elle ne mérita pas non plus devant toi d’être illuminée. Car l’informité de cette vie ne t’aurait pas agréé, si elle n’était devenue lumière, non pas en existant mais en contemplant la lumière illuminante et en adhérant à elle. En sorte qu’elle ne doit qu’à ta grâce, et simplement de vivre, et de vivre dans la béatitude, convertie par une mutation meilleure vers ce qui ne peut se muer ni en mieux ni en pis et cela, toi seul tu l’es, parce que seul tu es simplement, toi pour qui vivre n’est pas une chose et vivre dans la béatitude une autre chose, puisque tu es ta béatitude.

L’Esprit était porté au-dessus des eaux: signe de la gratuité créatrice.

4. 5. Que te manquerait-il donc pour le bien que tu es toi-même pour toi, même si ces créatures ou bien n’existaient absolument pas ou bien restaient informes? Tu ne les a pas faites par indigence, mais par la plénitude de ta bonté, les retenant et convertissant à une forme, et non pas comme si ta joie attendait d’elles sa plénitude. Oui, c’est parce que tu es parfait que te déplaît leur imperfection, afin qu’elles reçoivent de toi leur perfection et te plaisent, et non parce que tu es imparfait, comme si toi aussi tu devais trouver ta perfection dans leur perfection. En effet, ton Esprit qui est bon était porté au-dessus des eaux 18; iln’était pas porté par elles, comme s’il eût reposé en elles: lorsqu’on dit que ton Esprit se repose dans des êtres 19, c’est qu’il les fait se reposer en lui. Mais ta volonté incorruptible et immuable, elle qui, en soi, se suffit à soi-même, était portée au-dessus de la vie que tu avais faite; et pour cette vie, vivre n’est pas la même chose que vivre dans la béatitude, car elle vit aussi quand elle flotte en son obscurité, et il lui reste à se tourner vers celui par qui elle a été faite, et à vivre de plus en plus auprès de la source de vie, et à voir dans sa lumière la lumière 20et à devenir parfaite, illuminée, béatifiée.

I. La Trinité créatrice et son image dans l’homme

La Trinité dans la création.

5. 6. Voici que m’apparaît «en figure » la Trinité 21 que tu es, ô mon Dieu, puisque toi, le Père, c’est dans le Principe de notre sagesse, principe qui est ta Sagesse née de toi, égale à toi et coéternelle, c’est-à-dire dans ton Fils, que tu as fait le ciel et la terre 22Et nous avons dit bien des choses sur le ciel du ciel, sur la terre invisible et inorganisée et sur l’abîme ténébreux, concernant la créature spirituelle qui serait dans l’informité d’une fluidité vagabonde, si elle ne se tournait vers celui par qui elle était une vie quelconque, et par son illumination ne devenait une vie de belle apparence, et n’était pas le ciel de ce ciel 23qui par la suite fut fait entre l’eau et l’eau 24. Je tenais déjà, dans le nom même de Dieu, le Père qui a fait ces choses, et dans le nom de principe, le Fils dans lequel il a fait ces choses, et, croyant que mon Dieu est Trinité, comme je le croyais, je cherchais dans ses saints oracles, et voici que ton Esprit était porté sur les eaux 25Voilà la Trinité, mon Dieu, Père, Fils et Esprit Saint, créateur de toute créature.

Pourquoi l’Esprit Saint est-il nommé au 3e ver set seulement.

6. 7. Mais quelle raison y avait-il- ô lumière véridique, j’approche de toi mon cour; pour qu’il ne m’enseigne pas la vanité, dissipe ses ténèbres et dis-moi, je t’en conjure par la charité, ma mère, je t’en conjure, dis-le-moi – quelle raison y avait-il pour que, après avoir nommé le ciel et la terre invisible et inorganisée et les ténèbres au-dessus de l’abîme, alors seulement ton Écriture nommât ton Esprit? N’était-ce pas qu’il fallait l’introduire ainsi, en disant qu’il était porté au-dessus? Or, on ne pourrait le dire, si d’abord on ne mentionnait la chose au-dessus de laquelle on pourrait entendre que ton Esprit était porté. Car ce n’était ni au-dessus du Père, ni au-dessus du Fils qu’il était porté, et il n’eût pas été correct de dire qu’il était porté au-dessus, s’il n’était porté au-dessus de rien. On devait par conséquent dire en premier lieu la chose au-dessus de laquelle il serait porté, et ensuite Celui qu’il ne fallait pas mentionner autrement qu’en disant de lui qu’il était porté au-dessus. Mais pourquoi donc ne fallait-il pas l’introduire autrement qu’en disant qu’il était porté au-dessus?

L’Esprit élève les âmes par la charité.

7. 8. Maintenant, àpartir d’ici, que celui qui le peut suive par l’intelligence ton Apôtre: il dit que ta charité a été répandue dans nos cours par l’Esprit Saint, qui nous a été donné 26; ilnous instruit des choses spirituelles 27; ilnous découvre 28 la voie suréminente 29de la charité et fléchit pour nous les genoux devant toi 30, afin que nous connaissions la science suréminente de la charité du Christ 31Voilàpourquoi, suréminent dès le commencement, l’Esprit était porté au-dessus des eaux 32. A qui dire, comment dire le poids de la convoitise qui entraîne au précipice de l’abîme, et le relèvement qu’opère la charité par ton Esprit qui était porté au-dessus des eaux? Aqui le dire? Comment le dire? Car il n’est pas question d’espaces où nous soyons immergés et d’où nous émergions. Quoi de plus ressemblant et quoi de plus dissemblant? Il s’agit de sentiments, il s’agit d’amours l’impureté de notre esprit nous fait sombrer en bas par amour des soucis, et la sainteté du tien nous relève en haut par amour de la sécurité, afin que nous tenions le cœur haut 33 vers toi, là où ton Esprit est porté au-dessus des eaux, et que nous parvenions au repos suréminent, quand notre âme aura traversé les eaux qui sont sans substance 34.

Les créatures spirituelles tombent si Dieu ne les élève.

8. 9. L’ange a sombré, l’âme de l’homme a sombré ils ont révélé ainsi l’abîme où toute la création spirituelle serait plongée en des profondeurs ténébreuses, si tu n’avais dit dès le commencement «que la lumière soit faite 35», et sielle n’était devenue lumière, en sorte que pût adhérer àtoi toute intelligence obéissante de ta cité céleste et reposer en ton Esprit, qui est porté immuablement au-dessus de tout être muable. Autrement le ciel du ciel 36luiaussi, serait abîme ténébreux en lui-même; mais maintenant ilest lumière dans le Seigneur 37Oui, jusque dans cette misérable inquiétude des esprits, qui sombrent et révèlent leurs ténèbres dépouillées du vêtement de ta lumière, tu montres suffisamment combien tu as fait grande la créature raisonnable, puisque rien absolument ne lui suffit pour son bienheureux repos, de tout ce qui est moindre que toi, et donc même pas elle-même à elle-même. Car c’est toi, notre Dieu, qui illumineras nos ténèbres 38de toi vient notre vêtement, et nos ténèbres seront comme un plein midi 39Donne-toi à moi, mon Dieu, redonne-toi à moi. Voici que j’aime, et si c’est peu, je veux aimer plus fort. Je ne puis mesurer, afin de le savoir, combien me manque d’amour pour qu’il y en ait assez, et qu’ainsi ma vie coure à tes embrassements, sans qu’elle se détourne avant d’être abritée dans l’abri secret de ton visage 40. Tout ce que je sais, c’est que je vais mal sans toi, non seulement hors de moi mais aussi en moi-même, et que pour moi toute abondance qui n’est pas mon Dieu est indigence.

L’Esprit Saint donne l’amour qui soulève les âmes vers Dieu.

9. 10. Est-ce que le Père, ou le Fils, n’était pas porté au-dessus des eaux? Si on l’entend comme d’un corps dans un espace, même l’Esprit Saint ne l’était pas. Mais s’il s’agit de l’éminence de l’immuable divinité au-dessus de tout être muable, le Père, aussi bien que le Fils et l’Esprit Saint, était porte au-dessus des eaux 41Pourquoi donc a-t-on dit cela seulement de ton Esprit? Pourquoi l’a-t-on dit de lui seulement 42, comme s’il s’agissait d’un lieu où il eût été et qui n’est pas un lieu, lui de qui seul on a dit qu’il est le don de toi Dans ce don de toi, nous nous reposons là, de toi nous jouissons notre repos est notre lieu. L’amour nous y élève, et ton Esprit qui est bon 43 exalte notre bassesse la retirant des portes de la mort 44. Dans la bonne volonté se trouve pour nous la paix 45Tin corps, en vertu de son poids, tend à son lieu propre. Le poids ne va pas forcément en bas mais au lieu propre. Le feu tend vers le haut, la pierre vers le bas: ils sont menés par leur poids, ils s’en vont à leur lieu. L’huile versée sous l’eau s’élève au-dessus de l’eau; l’eau versée sur l’huile s’enfonce au-dessous de l’huile ils sont menés par leur poids, ils s’en vont à leur lieu. S’il n’est pas à sa place, un être est sans repos qu’on le mette à sa place et il est en repos. Mon poids, c’est mon amour; c’est lui qui m’emporte où qu’il m’emporte. Le don de toi nous enflamme et nous emporte en haut; il nous embrase et nous partons. Nous montons les montées qui sont dans notre cour 46et nous chantons le cantique des degrés 47Ton feu, ton bon feu nous embrase et nous partons, puisque nous partons en haut vers la paix de Jérusalem, puisque j’ai trouvé ma joie dans ceux qui m’ont dit: nous partirons pour la maison du Seigneur 48Là nous placera la bonne volonté de sorte que nous ne voulions plus autre chose qu’y demeurer éternellement 49.

La créature spirituelle céleste a toujours été élevée vers Dieu.

10. 11. Heureuse la créature, qui n’a pas connu autre chose! Elle-même pourtant, eût été autre chose, si le don de toi, qui est porté au-dessus de tout être muable, ne l’avait pas élevée, à peine faite, sans aucun intervalle de temps, dans cet appel où tu as dit «que la lumière soit faite 50 »et si elle n’était devenue lumière. Pour nous, c’est en des moments distincts du temps que nous fûmes ténèbres, et que nous devenons lumière 51Mais pour cette créature, il a été dit ce qu’elle serait, si elle n’était illuminée; ainsi il a été dit qu’elle a été d’abord comme fluente et ténébreuse 52, afin de mettre en évidence la cause qui a fait qu’elle fût autrement, c’est à-dire qu’elle fût lumière par une conversion vers la lumière indéfectible 53. Que celui qui le peut, comprenne; qu’il t’interroge, toi! A quoi bon m’importuner 54, comme si moi j’illuminais quelque homme venant en ce monde 55?

Image de la Trinité dans l’homme: être, connaître, vouloir.

11. 12. La Trinité toute-puissante, qui la comprendra? Et qui ne parle d’elle, si toutefois c’est d’elle? Rare est l’âme qui, quand elle parle d’elle, sait de quoi elle parle. On discute, on se bat; et personne, sans paix, ne voit cette vision. Je voudrais faire réfléchir les hommes sur trois choses qui sont en eux-mêmes; trois choses qui sont tout autres que cette Trinité, mais j’en parle pour qu’ils s’exercent là-dessus et vérifient et comprennent combien elles sont tout autres. Je parle des trois choses que voici l’être, le connaître, le vouloir. De fait, je suis et je connais et je veux. Je suis connaissant et voulant; je connais que je suis et que je veux; je veux être et connaître. Dans ces trois choses donc, à quel point il y a vie indivisible et vie une et intelligence une et essence une, à quel point enfin il y a distinction sans séparation et pourtant distinction, qu’il le voie celui qui le peut! Il est certes en face de lui-même; qu’il regarde en lui et qu’il voie 56 et qu’il me le dise! Mais quand il aura trouvé là-dessus quelque chose et qu’il l’aura dit, qu’il ne pense pas avoir déjà trouvé l’être immuable qui est au-dessus de ces choses, qui est immuablement et connaît immuablement et veut immuablement. Est-ce à cause de ces trois choses que là aussi il y a trinité? ou est-ce que ces trois choses sont en chacune, de sorte qu’elles soient trois à chacune ou bien est-ce l’un et l’autre, parce que, de façon merveilleuse, dans la simplicité et la multiplicité, la fin pour soi-même en soi-même est infinie, selon laquelle l’Être même est et se connaît et se suffit à soi-même immuablement dans une opulente grandeur d’unité? qui pourrait aisément le concevoir? Qui trouverait un moyen de le dire? Qui oserait se prononcer à la légère dans un sens quelconque?

II. Exégèse allégorique le monde, la première création, figure de l’église, seconde création

Nouvelle interprétation de Genèse 1, 1-3: l’Église.

12. 13. Avance dans ta confession, ô ma foi; dis au Seigneur ton Dieu: Saint, Saint, Saint, Seigneur mon Dieu 57dans ton nom nous avons été baptisés 58ô Père et Fils et Esprit Saint, dans ton nom nous baptisons, ô Père et Fils et Esprit Saint 59, parce que chez nous aussi dans son Christ Dieu a fait le ciel et la terre 60, les spirituels et les charnels de son Église. Et notre terre aussi, avant de recevoir la forme de la doctrine, était invisible et inorganisée 61 et les ténèbres de l’ignorance nous couvraient, car, en châtiant l’iniquité tu as instruit l’homme 62et tes condamnations sont comme un vaste abîme 63Mais parce que ton Esprit était porté au-dessus de l’eau 64, ta miséricorde n’a pas abandonné notre misère. Et tu as dit: que la lumière soit faite 65; faites pénitence, car le royaume des cieux est proche. Faites pénitence 66; que la lumière soit faite; et parce que notre âme était troublée en nous nous nous sommes souvenus de toi, Seigneur, au pays du Jourdain et sur le mont qui est égal à toi mais s’est fait petit à cause de nous 67. Et nos ténèbres nous ont déplu, et nous nous sommes tournés vers toi 68 et la lumière a été faite 69. Et voici que nous fûmes ténèbres autrefois mais maintenant nous sommes lumière dans le Seigneur 70.

L’Église terrestre attend dans l’espérance l’Église céleste.

13. 14. Et pourtant jusqu’ici nous le sommes par la foi, pas encore par la vision 71. Car nous avons été sauvés en espérance. Mais l’espérance qui est vision n’est plus espérance 72Jusqu’ici l’abîme appelle l’abîme, mais c’est déjà par la voix de tes cataractes 73Jusqu’ici celui-là aussi, qui dit: Je n’ai pu vous parler comme à des spirituels mais comme à des charnels 74même lui ne croit pas encore avoir saisi le prix; et, oubliant ce qui est en arrière, il se tend vers ce qui est en avant 75et se met à gémir accablé 76; et son âme dans sa soif aspire au Dieu vivant, comme les cens aux sources des eaux; et il dit: Quand arriverai-je?  77 dans son désir d’être revêtu de sa demeure qui est céleste 78et il appelle l’abîme qui est en bas, en disant: Ne vous conformez pas au siècle présent, mais réformez-vous dans le renouvellement de votre âme 79et: ne devenez pas enfants en intelligence, mais soyez enfants en malice, pour être parfaits en intelligence 80et encore: O stupides Galates, qui vous a fascinés?  81Mais déjà ce n’est plus sa voix, c’est la tienne: tu as envoyé ton Esprit d’en haut 82, par celui qui est monté là-haut 83, et il a ouvert les cataractes de ses dons 84 pour que ce fleuve en son élan réjouit ta cité 85Pour elle, en vérité, soupire l’ami de l’époux 86: il a déjà les prémices de son esprit auprès de lui, mais il gémit encore en lui-même, attendant l’adoption, la rédemption de son corps 87. Pour elle il soupire, car il est un membre de l’épouse; pour elle il a un soin jaloux 88, car il est l’ami de l’époux; c’est pour elle qu’il a un soin jaloux, non pour lui-même, car, par la voix de tes cataractes, non par la sienne, il appelle l’autre abîme, et dans son soin jaloux pour cet abîme il redoute que, comme le serpent qui trompa Eve par son astuce, ainsi leurs pensées à eux aussi ne se corrompent, s’éloignant de la pureté qui est dans notre époux 89, ton Fils Unique. Quelle lumière que celle de la vision! lorsque nous le verrons comme il 90, etque seront passées les larmes devenues mon pain, le jour et la nuit, pendant que l’on me dit chaque jour: Où est ton Dieu?  91

Espérer et persévérer.

14. 15. Moi aussi je dis: mon Dieu, où es-tu? Ah! voici où tu es! Je respire un peu en toi 92, quand je répands sur moi mon âme dans un cri d’allégresse et de confession où résonnent des airs de fête célébrée 93Et mon âme est triste encore, car elle retombe et devient abîme, ou plutôt elle sent qu’elle est encore abîmeMa foi lui dit, elle que tu as allumée dans la nuit devant mes pas: Pourquoi es-tu triste, mon âme, et pourquoi me troubles-tu? Espère dans le Seigneur 94son verbe est la lampe devant tes pas 95. Espère et persévère, jusqu’à ce que passe la nuit, mère des méchants, jusqu’à ce que passe la colère du Seigneur, colère dont nous fûmes les fils nous 96 aussi autrefois quand nous étions ténèbres 97et nous traînons les résidus de ces ténèbres dans un corps mort à cause du péché 98, jusqu’à ce que souffle le jour et reculent les ombres 99. Espère dans le Seigneur: au matin je serai debout et je contemplerai 100; pour jamais je le confesserai 101. Au matin je serai debout et je verrai 102 le salut de ma face, mon Dieu 103, celui qui rendra vie même à nos corps mortels à cause de l’Esprit, qui habite en nous 104, parce que sur notre intérieur ténébreux et fluide miséricordieusement il était porté. De lui, pèlerins d’ici-bas, nous avons reçu le gage 105 pour que nous soyons déjà lumière 106maintenant que sauvés, encore qu’en espérance 107, nous sommes devenus fils de lumière et fils du jour, non plus fils de la nuit, ni des ténèbres 108, ce que pourtant nous avons été 109Entre ceux-ci et nous, dans cet incertain où se trouve encore la connaissance humaine, toi seul fais le partage 110, toi qui éprouves nos cours 111 et appelles la lumière jour et les ténèbres nuit 112. Qui en effet nous discerne, si ce n’est toi?  113 Mais qu’avons-nous que nous n’ayons reçu de toi, pris à la même masse et faits vases d’honneur alors que d’autres y sont pris en vases d’ignominie?  114.

Genèse I, 6: Le firmament figure l’Écriture.

15. 16. Qui encore, si ce n’est, toi, notre Dieu, a fait pour nous un firmament d’autorité au-dessus de nous 115, dans ta divine Écriture?Oui, le ciel se repliera comme un livre 116, et maintenant, comme une peau 117, il est tendu au-dessus de nous. Ta divine Écriture en effet possède une plus sublime autorité, maintenant qu’ont subi la mort d’ici-bas ces mortels par qui tu nous l’as dispensée. Et tu sais, toi, Seigneur 118, tu sais comment tu as revêtu de peau les hommes, quand le péché les rendit mortels 119. Aussi as-tu étendu, comme une peau, le firmament de ton livre, je veux dire tes paroles concordantes que, par le ministère des mortels, tu as établies au-dessus de nous. En effet, à cause même de leur mort, l’affermissant autorité des oracles, que par eux tu as publiés, s’étend avec sublimité sur tout ce qui est en dessous; tant qu’ils vivaient ici-bas, elle ne s’étendait pas avec une telle sublimité. Tu n’avais pas encore tendu le ciel comme une peau 120tu n’avais pas encore déployé de toute part la renommée de leur mort.

15. 17. Puissions-nous voir, Seigneur, les cieux, ouvrage de tes doigts! 121 Dissipe à nos yeux le nuage dont tu les as recouverts. Là se trouve ton témoignage qui donne la sagesse aux tout-petits 122Parachève, mon Dieu, ta louange par la bouche des enfants et des petits à la mamelle 123Car nous ne connaissons pas d’autres livres qui abattent aussi bien la superbe 124, qui abattent aussi bien l’ennemi, le défenseur 125qui résiste à ta réconciliation en défendant ses péchés. Je ne connais pas, Seigneur, je ne connais pas d’autres paroles, assez pures 126pour m’engager ainsi à la confession et plier ma nuque à ton joug 127 et m’entraîner envers toi à un culte gratuit. Puissé-je les comprendre 128, ô Père de bonté! Accorde-le pour moi qui suis soumis, puisque pour ceux qui sont soumis tu les as solidement établies.

Les «eaux au-dessus du firmament» figurent les Anges.

15. 18. Il est d’autres eaux en dessus de ce firmament 129je le crois, des eaux immortelles et soustraites à la corruption terrestre. Qu’elles louent ton nom! Qu’elles te louent, les peuplades supra célestes de tes anges 130, qui n’ont pas besoin de lever les yeux vers ce firmament et d’y lire pour connaître ton verbe. Oui, sans cesse ils voient ta face 131et y lisent, sans syllabes temporelles, ce que veut ton éternelle volonté. Il y a chez eux lecture, élection et dilection. Ils lisent sans cesse, et jamais ne passe ce qu’ils lisent. Car c’est par élection et avec dilection qu’ils lisent l’immutabilité même de ton dessein. Leur manuscrit ne se ferme pas et leur livre ne se replie pas 132, parce que toi-même tu es cela pour eux et tu es éternellement 133parce que tu les as placés au-dessus de ce firmament., fermement établi par toi au-dessus de l’infirmité des peuples d’en bas, pour que ces peuples lèvent les yeux vers lui et y prennent connaissance de ta miséricorde, qui t’annonce dans le temps toi qui as fait le temps. Car ta miséricorde, Seigneur, est dans le ciel, et ta vérité va jusqu’aux nues 134. Les nues passent 135, mais le ciel demeure. Les prédicateurs de ton verbe passent de cette vie dans une autre vie, mais ton Écriture jusqu’à la fin des siècles reste étendue sur les peuples. Et aussi le ciel et la terre passeront, tandis que tes paroles ne passeront pas 136parce que cette peau sera repliée et l’herbe au-dessus de laquelle elle s’étendait passera avec tout son éclat’, mais ton verbe demeure éternellement 137Maintenant c’est dans la figure des nuées, à travers le miroir 138du ciel, et non pas comme il est, que ton verbe nous apparaît, parce que pour nous-mêmes, quoique nous soyons chéris de ton Fils, n’a pas encore apparu ce que nous serons 139Il a regardé à travers les mailles 140 de la chair et caressé et enflammé, et nous courons dans le sillage de son parfum 141. Mais quand cela sera apparu, nous serons semblables à lui, puisque nous le verrons comme il est 142Le voir comme il est, Seigneur, c’est notre lot à nous, qui n’est pas encore à nous.

Dieu seul se connaît tel qu’il est.

16. 19. De même, en effet que tu es absolument, toi seul aussi connais, toi qui es immuablement et connais immuablement et veux immuablement. Ton être connaît et veut immuablement ta connaissance est et veut immuablement; ta volonté est et connaît immuablement. Et il ne paraît pas juste à tes yeux que, si la lumière immuable se connaît, elle soit connue de la même manière par l’être muable qu’elle a illuminé. Voilà pourquoi mon âme est comme une terre sans eau devant toi 143parce que, de même qu’elle ne peut tirer de soi sa propre illumination, ainsi elle ne peut tirer de soi son propre rassasiement. C’est ainsi en effet que la source de la vie est auprès de toi, comme c’est dans ta lumière que nous verrons la lumière 144.

Genèse I, 1, 9: les eaux rassemblées figurent les âmes infidèles.

17. 20. Qui a rassemblé les eaux d’amertume dans une seule masse? De fait, elles poursuivent la même fin, une félicité temporelle et terrestre, en vue de laquelle elles fout tout, quelles que soient les fluctuations diverses de leurs innombrables soucis. Qui l’a fait, Seigneur, sinon toi qui as dit aux eaux de se rassembler dans un rassemblement unique, et à la terre sèche d’apparaître 145, altérée de toi, puisque la mer est à toi et que tu l’as faite, et puisque tes mains ont formé la terre sèche 146? Car ce n’est pas l’amertume des volontés, mais le rassemblement des eaux que l’on appelle mer. Toi, en effet, tu contrains aussi les mauvaises convoitises des âmes, et leur fixes les limites jusqu’où pourront s’avancer les eaux, afin que leurs flots se brisent sur eux-mêmes 147; et ainsi tu fais la mer selon l’ordre fixé par ton commandement au-dessus de tout.

Genèse, I, 11-12: La terre ferme figure les âmes fidèles, dont les semences sont les bonnes œuvres.

17. 21. Quant aux âmes altérées de toi 148 et qui t’apparaissent, par une autre fin qu’elles poursuivent, distinctes de la masse de la mer, tu les arroses d’une source cachée et savoureuse, afin que la terre aussi donne son fruit; et elle donne son fruit. Et sur ton ordre à toi, son Seigneur Dieu, notre âme fait germer les œuvres de miséricorde selon leur espèce 149elle aime le prochain 150 en subvenant à ses nécessités physiques, amour dont elle possède en elle-même la semence en raison de sa ressemblance 151puisque notre infirmité nous fait compatir pour subvenir aux indigents et porte secours par ressemblance, comme nous voudrions qu’on nous portât secours, si nous étions dans la même indigence. Cette aide ne se limite pas aux choses faciles, cela c’est l’herbe à graine; elle va jusqu’au secours de protection, solide et vigoureux – ici c’est l’arbre à fruits, c’est-à-dire à bienfaits – pour arracher celui qui souffre l’injustice à la main du puissant, et lui procurer le couvert d’une protection par l’appui ferme et vigoureux d’un juste jugement.

Genèse, 1, 14-18: les luminaires figurent la lumière des bonnes œuvres…

18. 22. Qu’ainsi, Seigneur, qu’ainsi, je te prie, naisse, comme tu fais naître, comme tu donnes joie et pouvoir, naisse de la terre la vérité, et que la justice du haut du ciel regarde 152, et que soient faits au firmament des luminaires 153Rompons avec l’affame notre pain; et le pauvre sans logis, menons-le sous notre toit. Habillons qui est nu; et les familiers de notre race, ne les méprisons pas. Devant ces fruits nés sur la terre, vois que c’est bon et qu’elle éclate au temps voulu, notre lumière 154et que par les fruits de l’action ici-bas, pour les délices de la contemplation, mis en possession du verbe de vie là-haut, nous apparaissions comme des luminaires dans le monde 155fortement établis au firmament de ton Écriture. C’est là qu’en effet tu travailles à nous convaincre de faire une séparation entre l’intelligible et le sensible comme entre le jour et la nuit, ou plutôt entre les âmes les unes adonnées à l’intelligible, les autres au sensible. Ainsi toi, tu n’es plus seul, dans le secret de ton jugement, comme avant qu’existât le firmament, à faire une séparation entre la lumière et les ténèbres 156; mais tes spirituels aussi, établis dans ce même firmament à des plans distincts, maintenant que ta grâce s’est manifestée à travers le globe, brillent au-dessus de la terre, et font une séparation entre le jour et la nuit, et marquent les temps 157. Car les choses anciennes sont passées et voici que s’est fait le renouveau 158; notre salut est plus proche que lorsque nous sommes entrés dans la foi; la nuit est avancée et le jour est proche 159; tu bénis la couronne de ton année 160, et tu envoies des ouvriers dans ta moisson 161, aux semailles de laquelle d’autres ont travaillé 162; tu en envoies même à d’autres semailles dont la moisson est pour la fin. Ainsi tu combles les vœux de celui qui en fait, et tu bénis les années du juste, mais toi tu es le même toi-même et, dans tes années qui ne déclinent pas 163, tu prépares un grenier pour les années qui passent. D’après un éternel dessein, assurément, aux temps appropriés tu donnes les biens célestes sur la terre.

…accomplies selon les est charismes spirituels.

18. 23. Oui vraiment, à l’un est donnée par l’Esprit la parole de sagesse, qui est comme le luminaire majeur en faveur de ceux qui se complaisent dans la lumière de la transparente vérité, comme dans le principe du jour; à un autre est donnée la parole de science par le même Esprit, et elle est comme le luminaire mineur; à un autre la foi, à un autre le don des guérisons, à un autre la puissance d’opérer des miracles, à un autre la prophétie, à un autre le discernement des esprits, à un dernier la diversité des langues; et tous ces dons sont comme les étoiles. Tous ces dons en effet sont l’œuvre du seul et même Esprit, qui les distribue à chacun de façon appropriée, comme il le veut, et qui fait apparaître les astres en les manifestant pour le bien de tous 164Mais cette parole de science où sont contenus tous les signes sacrés 165 qui varient selon les temps comme la lune, et les autres connaissances obtenues par les dons mentionnés ensuite comme étoiles, dans la mesure où elles diffèrent de cette clarté de la sagesse dont jouit le jour annoncé, dans cette mesure elles appartiennent au principe de la nuit.

Spirituels et psychiques.

Elles sont en effet nécessaires pour ceux qui ton serviteur, cet homme très prudent, n’a pu parler comme à des spirituels mais comme à des charnels 166, luiqui parle de la sagesse parmi les parfaits 167. Mais l’homme psychique 168qui est comme un petit enfant dans le Christ et ne boit encore que du lait 169, tant qu’il n’est pas assez fort pour une nourriture solide 170 et sa vue assez ferme pour regarder le soleil, qu’il ne prenne pas sa nuit pour une solitude désolée, mais qu’il se contente de la lumière de la lune et des étoiles. Et tu travailles à nous convaincre de ces choses avec une suprême sagesse, ô notre Dieu, dans ton livre, ton firmament, afin que nous puissions les discerner toutes dans une contemplation merveilleuse, quoique répartie encore en signes et en temps, en jours et en années 171.

Exhortation morale aux psychiques.

19. 24. Mais d’abord lavez-vous, soyez purs, emportez la malice loin de vos âmes et loin de la vue de mes yeux, pour qu’apparaisse la terre sèche. Apprenez à faire le bien, jugez en faveur de l’orphelin et rendez justice à la veuve, pour que la terre fasse germer l’herbe qui repaît et le bois porteur de fruits; et venez, entrons en discussion, dit le Seigneur, pour que soient laits des luminaires au firmament du ciel et qu’ils brillent au-dessus de la terre 172Le riche demandait au bon maître ce qu’il devait faire pour obtenir la vie éternelle. Que le bon maître lui dise, lui qu’il prenait pour un homme et rien de plus mais il est bon parce qu’il est Dieu – qu’il lui dise que, s’il veut parvenir à la vie, il doit observer les commandements, écarter de lui l’amertume de la malice et de l’iniquité, ne pas tuer, ne pas commettre l’adultère, ne pas voler, ne pas dire de faux témoignages, afin qu’apparaisse la terre sèche, et qu’elle fasse germer le respect de la mère et du père et l’amour du prochain. Tout cela, dit-il, je l’ai fait. D’où viennent donc tant d’épines, si la terre peut porter du fruit? Va, extirpe les buissons broussailleux de l’avarice, vends ce que tu possèdes, et fais ample moisson en donnant aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux; et suis le Seigneur, si tu veux être parfait, t’associant à ceux parmi lesquels celui-là parle de la sagesse, lui qui sait ce qu’il faut répartir au jour et à la nuit, afin que tu le saches toi aussi, et que pour toi aussi des luminaires soient faits au firmament du ciel: cela ne se fera pas, si ton cour n’est pas là; et ceci non plus ne se fera pas, si ton trésor n’est pas là, comme tu l’as entendu du bon Maître. Mais la tristesse envahit la terre stérile et les épines étouffèrent la parole 173.

Exhortation morale aux spirituels.

19. 25. Et vous, race choisie 174 êtres faibles de ce monde 175, qui avez tout abandonné pour suivre le Seigneur 176, allez après lui et confondez les êtres forts 177; allez après lui, vous dont les pieds sont beaux 178et resplendissez dans le firmament 179afin que les cieux racontent sa gloire 180 en faisant la séparation entre la lumière des parfaits, mais qui n’est pas encore comme celle des anges, et les ténèbres 181des tout-petits, mais qui ne sont pas celles des désespérés. Brillez au-dessus de toute la terre 182et que le jour éclatant de soleil exprime au jour la parole de sagesse, et que la nuit luisante de lune annonce à la nuit la parole de science 183. La lune et les étoiles brillent pour la nuit, mais la nuit ne les obscurcit pas ce sont elles qui l’illuminent selon sa mesure. Car voici: comme si Dieu avait dit « que soient faits des luminaires au firmament du ciel »  184, il se fit soudain un bruit venant du ciel, comme si un vent soufflait avec violence; et l’on vit apparaître des langues séparées, comme un feu qui se posa sur chacun d’eux 185; et des luminaires furent faits au firmament du ciel, qui possédaient la parole de vie 186Courez partout, ici et là, saintes flammes, belles flammes, car vous êtes la lumière du monde et n’êtes pas sous le boisseau 187. Celui-là fut exalté, à qui vous fûtes attachées, et il vous exalta. Courez ici et là, et faites-vous connaître à toutes les nations 188.

Genèse, I, 20-21: Les reptiles figurent les Sacrements, les monstres marins figurent les miracles, les volatiles figurent les messagers de l’Évangile.

20. 26. Que la mer aussi conçoive et enfante vos œuvres! Et que les eaux produisent des reptiles à l’âme vivante 189De fait, en separant le précieux du vil, vous êtes devenus la bouche de Dieu 190 pour dire: que les eaux produisent non pas l’âme vivante, que la terre produira 191, mais des reptiles à l’âme vivante et des volatiles volant au-dessus de la terre 192Car comme des reptiles, tes sacrements, ô Dieu, grâce aux œuvres de tes saints, ont passé à travers les flots des tentations du siècle, pour imprégner de ton nom les nations dans ton baptême 193. Et entre temps se sont produites de grandioses merveilles 194, comparables aux monstres marins, et les voix de tes messagers ont volé au-dessus de la terre en suivant de près le firmament de ton Livre, couvertes de l’autorité de ce Livre sous lequel elles pourraient voler partout où elles iraient. Car il n’y a pas de langues ni de discours où l’on n’entende leurs voix, puisque leur son s’en est allé par toute la terre, et leurs paroles jusqu’aux confins du globe de la terre 195toi, Seigneur, en effet, en les bénissant tu les as multipliées 196.

Justification de cette exégèse allégorique.

20. 27. Se peut-il que je mente, ou, que je fasse un pêle-mêle, et ne distingue pas les claires connaissances de ce qui est au firmament du ciel, des œuvres corporelles réalisées dans la mer houleuse et sous le firmament du ciel? Les notions de ces choses, en effet, sont fixes, déterminées, sans accroissement par génération; telles sont les lumières de la sagesse et de la science; mais ces mêmes choses ont des opérations corporelles multiples et variées, qui s’accroissent l’une de l’autre et se multiplient sous ta bénédiction, ô Dieu: tu as compensé les ennuis des sens mortels, en faisant qu’une chose unique dans la connaissance de l’esprit fût de multiples façons figurée ainsi qu’exprimée par les mouvements du corps. Les eaux ont produit ces œuvres 197, mais dans ton verbe; les nécessités des peuples, devenus étrangers ton éternelle vérité, ont produit ces œuvres, mais dans ton Évangile, puisque les eaux elles-mêmes ont fait jaillir ces œuvres de leur sein, ces eaux dont l’amère langueur fut la cause pour laquelle ces œuvres devaient se manifester dans ton verbe.

20. 28. Toutes choses sont belles, quand c’est toi qui les fais; et voici que tu es indiciblement plus beau, toi qui as tout fait. Et si, rompant avec toi, Adam n’était pas tombé, de son sein ne serait pas sortie pour se répandre partout la salure de la mer, ce genre humain avec ses abîmes de curiosités, ses tempêtes d’orgueil, ses flottements d’instabilité; et ainsi, il n’eût pas été nécessaire à tes dispensateurs de réaliser, au sein des eaux multiples, corporellement et sensiblement, tes mystères en actes et en paroles. Car c’est ainsi que se présentent à moi maintenant ces reptiles et ces volatiles; mais les hommes qui, imprégnés et initiés par eux, sont assujettis aux sacrements corporels, ne s’avanceraient pas au-delà, si l’âme ne se mettait à vivre spirituellement à un autre degré, et, après la parole de l’initiation, ne regardait, vers la consommation 198.

Genèse. I, 24: L’âme vi vante figure l’âme chrétienne.

21. 29. Et par là, dans ton verbe, ce n’est pas la profondeur de la mer, mais la terre, séparée de l’amertume des eaux, qui fait jaillir de son sein, non plus des reptiles à l’âme vivante et des volatiles, mais l’âme vivante 199De fait, elle n’a plus besoin du baptême dont les gentils ont besoin, comme elle en avait besoin quand elle était couverte par les eaux: on n’entre pas en effet autrement dans le Royaume des cieux, depuis que tu as institué qu’on y entre ainsi 200. Elle ne réclame pas 201 non plus les surprenantes grandeurs des merveilles 202, pour que naisse la foi: car il n’est pas vrai qu’à moins de voir des signes et des prodiges elle ne croît pas, puisque, terre fidèle, elle est déjà séparée des eaux de la mer rendues amères par l’infidélité; et les langues sont un signe, non pour les fidèles mais pour les infidèles 203Ainsi donc, de ce genre volatile non plus, que par ton verbe ont produit les eaux, la terre n’a pas besoin, elle que tu as fondée au-dessus des eaux 204. Envoie en elle ton verbe 205 par tes messagers. En vérité, nous racontons leurs œuvres, mais c’est toi qui œuvres en eux 206, pour qu’ils fassent leur œuvre: l’âme vivante 207La terre la produit, parce que la terre est cause qu’ils font cette œuvre en elle, comme la mer fut cause qu’ils faisaient des reptiles à l’âme vivante et des volatiles sous le firmament du ciel 208et de ces êtres la terre n’a plus besoin, encore qu’elle mange le poisson 209, enlevé aux profondeurs, sur cette table que tu as préparée devant les croyants 210; oui, s’il a été enlevé aux profondeurs, c’est pour nourrir la terre sèche. Et les oiseaux sont bien nés de la mer 211, mais c’est pourtant sur la terre qu’ils se multiplient 212. Car les premières voix prêchant l’Évangile eurent pour cause l’infidélité des hommes, mais les fidèles aussi en reçoivent des encouragements et des bénédictions multipliées de jour en jour 213L’âme vivante, au contraire, prend son origine de la terre, parce qu’il n’est avantageux qu’à ceux qui sont déjà fidèles de se garder de l’amour de ce siècle 214, afin que leur âme vive pour toi 215, elle qui était morte quand elle vivait dans les délices 216mortelles délices, Seigneur; car c’est toi, les vitales délices du cœur pur 217.

Comment l’âme vivante a besoin d’exemples et comment elle peut mourir.

21. 30. Qu’ils ouvrent donc alors sur la terre, tes ministres, sans le faire comme dans les eaux de l’infidélité, en usant d’une prédication et d’une parole traversées de miracles et de signes sacrés et de mots mystérieux, où se fixe l’attention de l’ignorance, mère de l’admiration, dans la crainte qu’inspirent les secrets des signes; telle est, en effet, la voie d’accès à la foi pour les fils d’Adam qui t’oublient, pendant le temps qu’ils se cachent de ta face 218 et deviennent abîme. Mais encore une fois qu’ils ouvrent, comme sur la terre sèche, séparée des gouffres de l’abîme, et qu’ils soient pour les fidèles 219 la forme exemplaire par la vie qu’ils mènent devant eux et qui les excite à l’imitation. De cette manière en vérité, c’est non seulement pour entendre, mais aussi pour agir, que les fidèles entendent: cherchez Dieu et votre âme vivra 220, afin que la terre produise une âme vivante 221. Ne vous conformez pas à ce siècle 222gardez-vous de lui. L’âme vit en évitant ce dont la recherche la fait mourir. Gardez-vous de la sauvage dureté de l’orgueil, de l’indolente volupté de la luxure, et du renom trompeur de la science 223afin que les fauves soient apprivoisés, le bétail dressé, et les serpents inoffensifs 224. Oui, tels sont les mouvements de l’âme en allégorie: mais la morgue de l’enflure, le plaisir libidineux et le venin de la curiosité sont les mouvements d’une âme morte, car l’âme ne meurt pas de telle manière qu’elle soit privée de tout mouvement: c’est en s’éloignant de la source de vie qu’elle meurt 225, et qu’elle est alors recueillie par le siècle qui passe, et qu’elle se conforme à lui.

Genèse, 1, 24: Les bestiaux, les serpents et les fauves figurent les actes de l’âme maîtresse d’elle-même.

21. 31. Mais le Verbe, Dieu 226, est la source de la vie éternelle 227, et il ne passe pas 228. C’est pourquoi dans ton Verbe est prohibé cet éloignement, quand il nous est dit: ne vous conformez pas à ce siècle, afin que la terre produise dans la source de vie une âme vivante, une âme qui, dans ton verbe, par tes évangélistes, se garde en imitant les imitateurs de ton Christ 229. Voilà bien ce que veut dire «selon son espèce 230 », puisque c’est un stimulant pour un homme, qu’un ami lui dise: Soyez comme moi, parce que moi aussi je suis comme vous 231Il y aura ainsi, dans l’âme vivante, de bons fauves agissant avec douceur, car tu as donné un ordre en disant: avec douceur accomplis tes œuvres et tout homme t’aimera 232; et du bon bétail, qui ne souffre, ni de surabondance s’il mange, ni d’indigence s’il ne mange point 233et de bons serpents, non pernicieux pour nuire, mais astucieux pour se mettre en garde 234, qui n’exploreront la nature temporelle que dans la mesure où cela suffit pour contempler l’éternité devenue intelligible à travers ce qui a été fait 235En vérité, ces animaux servent la raison, quand, écartés de leur marche de mort, ils vivent et sont bons.

III. L’homme dans la création

Genèse, 1, 26: L’homme, régénéré n’est pas créé «selon son genre» mais «à l’image de Dieu».

22. 32. Voici que, en effet ô Seigneur notre Dieu, notre Créateur, quand nous aurons écarté de l’amour du siècle les affections dont nous mourions en vivant mal, et commencé à être une âme vivante en vivant bien, et que sera accomplie ta parole qui t’a fait dire par ton apôtre: Ne vous conformez pas à ce siècle, alors suivra ce que tu as aussitôt ajouté en disant: Mais reformez-vous dans le renouvellement de votre esprit 236et ce n’est plus selon l’espèce 237comme si nous imitions le prochain qui nous précède ou vivions d’après l’exemple autorisé d’un homme plus parfait. Oui, tu n’as pas dit: que l’homme soit fait selon l’espèce, mais: faisons l’homme à notre image et ressemblance 238afin que nous puissions éprouver par nous-mêmes quelle est ta volonté 239. C’est bien pour cela que ton dispensateur, qui t’engendrait des fils par l’Évangile 240, et ne voulait pas avoir toujours des tout-petits à nourrir au lait 241 et à dorloter comme le fait une nourrice 242, disait: Réformez-vous dans le renouvellement de votre esprit, pour éprouver par vous-même quelle est la volonté de Dieu, qui est chose bonne, agréable et parfaite 243Voilà pourquoi tu ne dis pas: Que l’homme soit fait, mais: faisons; tu ne dis pas non plus: selon l’espèce, mais: à notre image et ressemblance. L’homme à l’esprit rénové n’a plus besoin d’exemples, mais connaît Dieu Trinité et devient homme spirituel. De fait, celui qui est dans son esprit et contemple ta – vérité devenue intelligible, n’a fiait – pas besoin de la démonstration,d’un homme l’invitant à imiter son espèce, mais sous ta démonstration il éprouve par lui-même quelle est ta volonté, qui est chose bonne, agréable et parfaite; et tu lui enseignes à voir, il en est déjà capable, la Trinité de l’Unité ou l’Unité de la Trinité. Aussi, après avoir dit au pluriel: Faisons l’homme, on ajoute pourtant au singulier: Et Dieu fit l’homme; et après avoir dit au pluriel A notre image, on ajoute au singulier: A l’image de Dieu 244Ainsi l’homme est renouvelé dans la connaissance de Dieu selon l’image de celui qui l’a créé 245et, devenu spirituel, il juge de toutes choses, celles bien sûr qui doivent être jugées, mais lui-même n’est jugé par personne 246.

L’homme spirituel ne peut juger de tout.

23. 33. Mais: il juge de toutes choses, cela veut dire qu’il a pouvoir sur les poissons de la mer et les oiseaux du ciel, sur tout le bétail et sur tous les fauves, sur toute la terre et tous les êtres rampants qui rampent sur la terre 247Car il porte ce jugement par un acte de son intelligence, qui lui fait percevoir ce qui est de l’Esprit de Dieu 248Hors de là, l’homme établi ù une place d’honneur n’a pas compris; il s’est mis au ‘rang des bêtes de somme dénuées de sens, et leur est devenu semblable 249Donc, dans ton Église, ô notre Dieu, d’après ta grâce 250que tu lui as donnée, puisque nous sommes modelés par toi comme créatures parmi les œuvres bonnes 251non seulement ceux qui président spirituellement, mais encore ceux qui sont soumis spirituellement à ceux qui président – car c’est de cette façon que tu as fait l’homme mâle et femelle 252dans ta grâce spirituelle, où selon le sexe corporel il n’y a plus de mâle et femelle, parce qu’il n’y a plus ni Juif, ni Grec, ni esclave, ni homme libre 253 – donc les spirituels, soit ceux qui président, soit ceux qui obéissent, jugent spirituellement 254. Ils ne jugent pas des connaissances spirituelles qui brillent au firmament 255on ne doit pas juger une si sublime autorité; ni de ton livre lui-même, y eût – il en lui quelque chose qui ne brille pas, puisque nous lui soumettons notre intelligence et tenons pour certain que même ce qui est fermé à nos regards a été dit selon la rectitude de la vérité: c’est ainsi, en effet, que l’homme, fût-il déjà spirituel et renouvelé dans la connaissance de Dieu selon l’image de celui qui l’a créé 256, doit être pourtant l’observateur de la loi, non pas son juge 257Le spirituel ne juge pas non plus évidemment de la répartition des hommes en spirituels et charnels: ils sont connus de tes yeux à toi, notre Dieu, et aucune œuvre ne nous les a fait encore apparaître pour que nous puissions les connaître à leurs fruits 258mais toi, Seigneur, tu les connais déjà, tu les as répartis et appelés en secret, avant que le firmament ne fût fait. Et ce n’est pas non plus des foules mêlées au tourbillon de ce siècle, que, tout spirituel qu’il sait, l’homme juge 259. Qu’a-t-il, en effet, à juger ceux qui sont 260quand il ignore qui viendra de là pour entrer dans la -douceur de ta grâce, et qui demeurera dans l’amertume sans fin de l’impiété?

23. 34. Ainsi donc, l’homme que tu as fait à ton image 261n’a pas reçu pouvoir sur les luminaires du ciel, ni sur le ciel secret lui-même, ni sur le jour et la nuit que tu as appelés à l’être avant la création du ciel, ni sur le rassemblement des eaux qui est la mer; mais il a reçu pouvoir sur les poissons de la mer et les oiseaux du ciel et tout le bétail et toute la terre et tous les êtres rampants qui rampent sur la terre.

Sur quoi porte le jugement de l’homme spirituel.

Il juge, en effet, et il approuve ce qu’il trouve droit, mais réprouve ce qu’il trouve de travers, soit dans cette réception solennelle des sacrements, où sont initiés ceux que ta miséricorde pourchasse dans les vastes eaux; soit dans celle où est offert ce poisson, enlevé aux profondeurs, que la terre pieuse mange; soit dans les signes de la parole, dans les mots soumis à l’autorité de ton livre, comme s’ils voletaient sous le firmament, signes que l’on emploie dans les interprétations, les expositions, les discussions, les controverses, les bénédictions et les invocations que l’on t’adresse, signes qui jaillissent des lèvres et résonnent, afin que le peuple réponde: Amen! 262 Et si toutes ces paroles doivent être énoncées corporellement, la cause en est l’abîme du siècle et l’aveuglement de la chair, qui ne permettent pas de voir les choses pensées, do telle sorte qu’il est besoin de faire du bruit dans les oreilles. Ainsi, bien que les oiseaux se multiplient sur la terre, c’est pourtant des eaux qu’ils tirent leur origine 263Le spirituel juge encore, en approuvant ce qui est droit, mais en réprouvant ce qu’il trouve de travers dans les œuvres et les mœurs des fidèles, les aumônes qui sont comme une terre porteuse de fruits, et les affections apprivoisées de l’âme vivante, dans la chasteté, les jeûnes 264, les pensées pieuses au sujet des choses qui sont perçues par les sens-du corps. Il est dit, en effet, qu’il juge maintenant de toutes les choses sur lesquelles il a aussi un pouvoir de correction.

Genèse, 1, 28: Pourquoi la bénédiction de la fécondité n’est-elle pas donnée à tous les êtres vivants?

24. 35. Mais qu’est ceci? 265 Quel est ce mystère? Voici que tu bénis les hommes, ô Seigneur, pour qu’ils croisent et se multiplient et remplissent la terre 266! Ne nous indiques-tu rien par-là, qui nous fasse comprendre quelque chose, comprendre pourquoi tu n’as pas ainsi béni la lumière que tu as appelée jour, ni le firmament du ciel, ni les luminaires, ni les astres, ni la terre, ni la mer? Je dirais que toi, ô notre Dieu, qui nous as créés à ton image 267, je dirais que tu as voulu accorder en propre à l’homme ce don de la bénédiction, si de la même manière tu n’avais béni les poissons et les monstres marins, pour qu’ils croissent et se multiplient et remplissent les eaux de la mer, et les oiseaux pour qu’ils se multiplient au-dessus de la terre 268. Je dirais pareillement que cette bénédiction concerne des êtres, dont les espèces se propagent d’elles-mêmes par la génération, si je trouvais qu’elle est donnée aux arbres et aux plantes et aux animaux de la terre. Mais en fait, ni aux herbes ni aux arbres il n’a été dit, pas plus qu’aux fauves et aux serpents: Croissez et multipliez-vous, bien que tous ces êtres, eux aussi, comme les poissons et les oiseaux et les hommes, s’accroissent par la génération et conservent ainsi leur espèce 269.

Multiplicité des significations d’une même phrase.

24. 36. Que dire alors, ô ma lumière, o Vérité? Que c’est une expression vide de sens, qu’on a parlé ainsi sans raison? Jamais, o Père de la Piété! Loin de moi que le serviteur de ton verbe puisse parler ainsi! Et si moi je ne comprends pas ce que tu signifies par ce langage, que des meilleurs en usent mieux, je veux dire ceux qui sont plus intelligents que je ne suis, dans la mesure de sagesse que tu as impartie à chacun! Mais que ma confession, elle aussi, plaise à tes yeux 270quand je te confesse ma croyance, Seigneur, que tu n’as pas sans raison parlé ainsi; et je ne tairai pas ce que l’occasion de cette lecture me suggère. Oui, c’est une chose vraie, et je ne vois pas ce qui pourrait m’empêcher de comprendre ainsi les paroles figuratives de tes livres. Je sais en effet que l’on signifie de multiples façons par le corps ce que l’esprit conçoit d’une seule manière, et que l’esprit conçoit de multiples façons ce que l’on signifie d’une seule manière par le corps. Voici l’idée simple d’amour de Dieu et du prochain 271: que de multiples allégories et d’innombrables langues et dans chaque langue d’innombrables modes d’expression, pour l’énoncer par le corps! Ainsi croissent et se multiplient les rejetons des eaux. Fais attention encore, qui que tu sois, toi qui lis ceci. Voici ce que l’Écriture présente et la voix fait résonner d’une seule manière: Dans le principe Dieu fit le ciel et la terre 272Ne peut-on l’entendre en des sens multiples, sans donner dans la duperie des erreurs, mais selon les genres des interprétations vraies1? Ainsi croissent et se multiplient les rejetons des hommes.

Justification de la bénédiction de fécondité selon l’interprétation allégorique.

24. 37. Par conséquent, si nous considérons la nature même des choses, non plus allégorique ment, mais au sens propre, c’est à tous les êtres qui naissent d’une semence, que convient la parole: Croissez et multipliez-vous 273Mais si nous prenons cela pour des expressions employées figurément – ce qui est plutôt, à mon sens, l’intention de l’Écriture, qui évidemment n’a pas attribué de façon superflue cette bénédiction aux seuls rejetons des eaux et des hommes – alors nous trouvons assurément des multitudes, et dans les créatures spirituelles et corporelles, comme dans le ciel et la terre; et dans les âmes justes et impies, comme dans la lumière et les ténèbres; et dans les auteurs sacrés par qui la Loi nous fut servie, comme dans le firmament solidement établi entre l’eau et l’eau et dans la masse des peuples remplis d’amertume, comme dans la mer; et dans le zèle des âmes pieuses, comme dans la terre sèche; et dans les œuvres de miséricorde pratiquées au cours de la vie présente, comme les herbes à graine et les arbres porteurs de fruits; et dans les dons spirituels qui se manifestent 274 à des fins utiles, comme dans les luminaires du ciel; et dans les affections réglées selon la tempérance, comme dans l’âme vivante. En tout cela nous rencontrons multitudes et fécondités et accroissements. Mais s’il s’agit d’un accroissement et d’une multiplication, où une seule et même chose s’énonce de multiples manières, et une seule et même énonciation se comprenne de multiples manières, nous ne les trouvons que dans les signes exprimés corporellement et dans les choses conçues intellectuellement. Les signes exprimés corporellement sont les générations produites par les eaux, car ils sont nécessairement causés par l’abîme de la chair; quant aux choses conçues intellectuellement, ce sont les générations humaines, à cause de la fécondité de la raison: nous l’avons compris ainsi. Voilà pourquoi nous avons cru qu’à l’un et à l’autre de ces genres, tu as dit, toi, Seigneur: Croissez et multipliez-vous. Oui, dans cette bénédiction tu nous as concédé, à mon sens, la faculté et la puissance à la fois d’énoncer de multiples manières ce que nous aurons tenu comme conçu d’une seule manière, et de concevoir de multiples manières ce que nous aurons lu comme énoncé obscurément d’une seule manière. Ainsi se remplissent les eaux de la mer, qui ne s’agitent que par la variété des interprétations; ainsi la terre même se remplit aussi des rejetons de l’homme, elle dont l’aridité apparaît dans l’étude, et que la raison domine.

Genèse, 1, 29: «L’herbe portant semence» figure l’aide que les fidèles doivent aux messagers de Dieu.

25. 38. Je veux encore dire, Seigneur mon Dieu, ce que dans le passage suivant ton Écriture me suggère; et je le dirai sans crainte: oui, je dirai la vente, puisque c’est toi qui m’inspires ce que tu as voulu me faire dire de ce texte. Non vraiment, sous une autre inspiration que la tienne, je ne crois pas que je dise la vérité, puisque c’est toi qui es la vérité, tandis que tout homme est menteur 275Voilà pourquoi celui qui dit un mensonge, tire de lui-même ce qu’il dit 276donc, pour dire la vérité, je tire de toi-même ce que je dis. Voici que tu nous as donné pour nourriture toute herbe semée semant sa semence, qui est à la surface de toute la terre, et tout ‘arbre qui porte sur lui un fruit de semence à semer 277Et tu l’as donné, non pas à nous seuls, mais aussi à tous les oiseaux du ciel, aux bêtes de la terre et aux serpents 278; mais aux poissons et aux monstres marins, tu n’as pas donné cela. Oui, nous disions 279 que ces fruits de la terre signifient et figurent en allégorie les œuvres de miséricorde, qui sont offertes aux nécessités de cette vie par la terre porteuse de fruit. Telle est la terre qu’était le pieux Onésiphore, à la maison duquel tu as donné la miséricorde, parce qu’il avait souvent réconforté Paul et n’avait pas rougi des chaînes de ton serviteur 280. Cela, les frères aussi le firent, et ils fructifièrent portant le même fruit, eux qui de Macédoine pourvurent à ce qui lui manquait 281. Mais combien il déplore que certains arbres ne lui aient pas donné le fruit qu’ils lui devaient, quand il dit: Dans ma première défense, il n’y eut personne pour m’assister, mais tous m’abandonnèrent; que cela ne leur soit pas imputé!  282Ces fruits, en effet, sont dus à ceux qui distribuent une doctrine spirituelle par l’intelligence des divins mystères; et ainsi cela leur est dû comme à des hommes. Par ailleurs cela leur est dû comme à une âme vivante, puisqu’ils s’offrent en modèles de toute maîtrise de soi. Cela leur est dû aussi comme à des oiseaux volants, à cause de leurs bénédictions qui se multiplient sur la terre, puisque dans toute la terre leur voix s’est fait entendre 283.

Mais l’aide matérielle doit être apportée avec une intention spirituelle.

26. 39. Or, ceux qui se nourrissent de ces aliments sont ceux qui y trouvent leur joie et ceux-là n’y trouvent pas leur joie, dont le ventre est le dieu 284Car ce n’est pas, même chez ceux qui offrent ces nourritures, ce qu’ils donnent qui est fruit, mais l’esprit dans lequel ils donnent. Aussi, pour l’apôtre qui servait Dieu, non pas son ventre 285je vois clairement d’où vient sa joie; je le vois et m’en félicite avec lui grandement. En fait, il avait accepté les dons des Philippiens envoyés par Epaphrodite 286; mais pourtant je vois d’où vient sa joie. Or, d’où vient sa joie, de là il se nourrit, puisqu’il parle en toute vérité quand il dit: Je me suis grandement réjoui dans le Seigneur de ce qu’enfin, une bonne fois, vous ayez produit de nouvelles pousses dans la sympathie que vous aviez pour moi; car vous aviez de la sympathie, mais vous vous étiez lassés. Ces Philippiens donc, dans une longue lassitude, s’étaient flétris et comme desséchés, se privant du fruit des bonnes œuvres; et il se réjouit pour eux, parce qu’ils ont produit de nouvelles pousses, non pas pour lui-même, parce qu’ils ont subvenu à son indigence. Aussi poursuit-il en disant: Ce n’est pas à cause d’un besoin, que je parle ainsi. Car moi, j’ai appris à me suffire avec ce que j’ai. Je sais aussi avoir moins qu’il ne faut, je sais aussi être dans l’abondance. En toutes choses et en chaque chose je suis initié, aussi bien au rassasiement qu’à la faim, à l’abondance qu’au support de la pénurie Je puis tout en celui qui me fortifie 287.

L’apôtre se réjouit plus de la bonne intention des fidèles que des bienfaits qu’il en reçoit.

26. 40. D’où vient donc ta joie, ô grand Paul? D’où vient ta joie, d’où vient ta nourriture, homme renouvelé dans la connaissance de Dieu selon l’image de celui qui t’a créé 288âme vivante par une si grande maîtrise de soi, langue qui vole en messagère éloquente des mystères 289? Ah c’est bien à de telles âmes que cette nourriture est due! Qu’est-ce qui te nourrit? La joie Je veux entendre ce qui suit: Néanmoins, dit-il, vous avez bien fait de prendre part à ma tribulation 290Voilà d’où vient sa joie, voilà d’où vient sa nourriture: de ce qu’ils lui ont fait du bien, non de ce que son angoisse a été relâchée; et il te dit Dans ma tribulation, tu m’as donné du large 291parce qu’il sait être dans l’abondance aussi bien que souffrir de la pénurie, en toi qui le fortifies. Car vous savez aussi, dit-il, vous, Philippiens, que dans le début de mon évangélisation, lorsque je fus parti de Macédoine, aucune église ne communiqua avec moi dans un rapport de donné et reçu, hormis vous seuls; vous avez même, en effet, envoyé à Thessalonique, une et deux fois, de quoi suffire à mes besoins 292. Ils sont revenus à ces bonnes œuvres, et il s’en réjouit maintenant; ils ont produit de nouvelles pousses, et il en est heureux comme de la fertilité renaissante d’un champ.

26. 41. Est-ce bien à cause de ses besoins – car il dit: Vous avez envoyé pour mes besoins – est-ce bien à cause de cela qu’il se réjouit? Non, ce n’est pas à cause de cela. Et d’où le savons-nous? De ce qu’il dit ensuite lui-même: Non que je cherche le don, mais je recherche le fruit. J’ai appris de toi, mon Dieu, à distinguer entre le don et le fruit 293Le don est la chose même que donne celui qui fait part de ces choses nécessaires, que sont, par exemple, l’argent, la nourriture, la boisson, le vêtement, le toit, l’aide. Mais le fruit est la volonté bonne et droite du donateur. En fait, le bon maître n’a pas dit seulement: Celui qui accueillera un prophète, mais il a ajouté: en qualité de prophète; et il n’a pas dit seulement: celui qui recevra un juste, mais il a ajouté: en qualité de juste; de cette façon, oui, celui-là recevra une récompense de prophète, celui-ci une récompense de juste. Et il n’a pas dit simplement: Celui qui donnera un verre d’eau fraîche à boire à l’un de mes plus petits, mais il a ajouté: uniquement en qualité de disciple, et il poursuit ainsi: En vérité je vous le dis, il ne perdra pas sa récompense 294Le don, c’est d’accueillir le prophète, d’accueillir le juste, de tendre un verre d’eau fraîche au disciple. Mais le fruit, c’est de le faire en leur qualité de prophète, en leur qualité de juste, en leur qualité de disciple. Du fruit se nourrit Élie par la veuve, qui savait qu’elle nourrissait un homme de Dieu, et qui le nourrissait à cause de cela. Mais par le corbeau il se nourrissait du don 295; et ce n’était pas l’Élie intérieur, mais l’Élie extérieur, qui se nourrissait, celui qui aurait pu même dépérir faute d’une telle nourriture.

De cette bonne intention sont incapables les infidèles.

27. 42. C’est pourquoi je dirai une chose, qui est vraie à tes yeux, Seigneur. Lorsque des hommes profanes et infidèles 296qui pour être initiés et gagnés ont nécessairement besoin de sacrements d’initiation et de la grandeur 297 des miracles, que nous croyons signifiés sous le nom de poissons et de monstres marins lorsque ces hommes accueillent tes serviteurs, pour les réconforter corporellement ou les aider dans quelque besoin de la vie présente, sans savoir pourquoi il faut le faire ou à quoi cela tend; alors, ni ces hommes ne nourrissent tes serviteurs, ni tes serviteurs ne se nourrissent par ces hommes; car, ni les uns n’agissent ainsi avec une volonté sainte et droite, ni les autres ne se réjouissent de leurs dons où ils ne voient pas encore le fruit. Ce dont l’âme vraiment se nourrit, c’est ce dont elle se réjouit. Voilà pourquoi les poissons et les monstres marins ne mangent pas des aliments, que la terre ne fait pousser qu’une fois distincte et séparée de l’amertume des flots marins 298.

Genèse, 1, 31: «Et voici que tout est très bon».

28. 43. Et tu vis, ô Dieu, tout ce que tu avais fait; et voilà que c’était très bon 299parce que nous aussi nous le voyons, et voilà que tout était très bon. Dans chacun des genres de tes œuvres, après avoir dit qu’elles se fissent et après qu’elles furent faites, tu vis pour celle-ci et pour celle-là qu’elles étaient bonnes. Sept fois, je l’ai compté, il est écrit que tu vis que c’était bon, ce que tu avais fait 300. Et c’est ici la huitième fois que tu vis tout ce que tu avais fait, et voilà que non seulement c’était bon, mais encore très bon, si on le prenait tout ensemble. Oui, une à une les choses étaient seulement bonnes, mais toutes ensemble elles étaient bonnes et très bonnes. Cela, tous les beaux corps le disent aussi; car bien plus beau est un corps, constitué de membres qui sont tous beaux, que les membres eux-mêmes pris un à un, à cause de l’harmonie parfaitement ordonnée qui donne sa plénitude à l’ensemble, quelque beauté qu’ils aient eux-mêmes si on les prend un à un.

Dieu ne voit pas temporellement la bonté de ses œuvres temporelles.

29. 44. Alors j’ai fixé mon attention, pour trouver si tu, avais vu sept fois ou huit fois que tes œuvres étaient bonnes, quand elles te plurent; et dans ta manière de voir je n’ai pas trouvé de temps1, qui m’eussent permis de comprendre que tu avais vu tant de fois ce que tu avais fait. Et j’ai dit: «O Seigneur, ton Écriture n’est-elle pas véridique en ce point, quand c’est toi, véridique 301et vérité 302qui l’as publiée? Pourquoi donc me dis-tu qu’il n’y a pas de temps dans ta manière de voir, alors que ton Écriture me dit en ce passage que, jour par jour, tu vis que ce que tu avais fait était bon, et moi en comptant j’ai trouvé combien de fois»? A cela tu me dis, toi, puisque tu es mon Dieu 303 et dis les choses d’une voix forte à l’oreille intérieure de ton serviteur en crevant ma surdité et en criant, tu me dis: «O homme, il est clair que ce que dit mon Écriture, c’est moi qui le dis. Et pourtant elle le dit, elle, selon le temps; mais le temps n’a pas accès à mon verbe, parce que celui-ci se tient avec moi dans une égale éternité. Ainsi ce que vous voyez, vous, par mon Esprit, moi je le vois; de même que, ce que vous dites, vous, par mon Esprit, moi je le dis. Et quand vous le voyez ainsi, vous, selon le temps, moi je ne le vois pas selon le temps; de même que, quand vous le dites, vous, selon le temps, moi je ne le dis pas selon le temps».

Erreur des Manichéens pour qui toutes les choses ne sont pas créatures de Dieu

30. 45. J’ai entendu, Seigneur mon Dieu, et j’ai savouré sur ma langue une goutte de douceur sucée à ta vérité, et j’ai compris qu’il y a certains hommes à qui tes œuvres déplaisent. Beaucoup d’entre elles, disent-ils, tu les as faites, contraint par la nécessité, ainsi l’architecture des cieux et la disposition des astres tu n’as pas tiré cela de ce qui est tien, mais ces choses existaient déjà, créées ailleurs et tirées d’ailleurs; et toi tu les aurais assemblées, ajustées, organisées, après la défaite de tes ennemis, quand tu bâtissais les remparts du monde pour enchaîner à cette construction tes ennemis, et les empêcher ainsi de se révolter à nouveau contre toi quant au reste, tu ne l’as ni fait, ni ajusté en rien -ainsi tous les êtres de chair, et tout ce qu’il y a de plus menu parmi les animaux, et tout ce qui tient à la terre par des racines mais une intelligence ennemie, une autre nature que tu n’as pas créée et qui te demeure hostile, fait naître ces choses et les forme dans les parties inférieures du monde. Insensés qui disent cela, car ils ne voient pas tes œuvres par ton Esprit, et ne te reconnaissent pas en elles.

Les hommes pieux voient que toutes les créatures sont bonnes parce que l’Esprit de Dieu les voit ainsi en eux.

31. 46. Quant à ceux qui les voient par ton Esprit, c’est toi qui vois en eux. Donc, lorsqu’ils voient qu’elles sont bonnes, c’est toi qui vois qu’elles sont bonnes; et dans tout ce qui plaît à cause de toi, c’est toi qui plais en cela et tout ce qui nous plaît par ton Esprit, c’est à toi que cela plaît en nous. Qui en effet parmi les hommes connaît ce qui est de l’homme, hormis l’esprit de l’homme qui est en lui-même? De même aussi, ce qui est de Dieu, personne ne le connaît, hormis l’esprit de Dieu. Or nous, dit l’Apôtre, nous n’avons pas reçu l’esprit de ce monde, mais l’Esprit qui vient de Dieu, afin de connaître les dons que Dieu nous a faits. Je suis ainsi engagé à dire: Assurément personne ne connaît ce qui est de Dieu, hormis l’Esprit de Dieu. Comment donc connaissons-nous, nous aussi, les dons que Dieu nous a laits? Je reçois cette réponse: quand nous connaissons les choses par son Esprit, même alors, personne ne les connaît, hormis l’Esprit de Dieu 304. De même en effet qu’il a été dit justement «Ce n’est pas vous qui parlez» 305à ceux qui parleraient dans l’Esprit de Dieu; de même on peut dire justement «Ce n’est pas vous qui connaissez», à ceux qui connaissent dans l’Esprit de Dieu. On peut donc dire, non moins justement «Ce n’est pas vous qui voyez», à ceux qui voient dans l’esprit de Dieu. Ainsi, tout ce qu’ils voient dans l’Esprit de Dieu, quand ils voient que c’est bon, ce n’est pas eux mais Dieu qui voit que c’est bon. Autre est donc le fait que quelqu’un tienne pour mauvais ce qui est bon: tels, ceux dont j’ai parlé plus haut 306. Autre le fait que, ce qui est bon, l’homme voie que c’est bon: ainsi, bien des gens à qui ta création plaît parce qu’elle est bonne, et pourtant ce n’est pas toi qui leur plais en elle, aussi veulent-ils jouir plutôt d’elle que de toi. Mais tout autre le fait que, quand un homme voit qu’une chose est bonne, ce soit Dieu qui voie en lui qu’elle est bonne; alors, c’est Dieu évidemment qui est aimé dans ce qu’il a fait, lui qui ne saurait être aimé sinon par l’Esprit qu’il a donné; car l’amour de Dieu a été répandu dans nos cours par l’Esprit Saint qui nous a été donné 307et par cet Esprit nous voyons que toute chose, qui est d’une façon quelconque, est bonne, puisqu’elle est par celui qui n’est pas d’une façon quelconque, mais qui est celui qui est 308.

Conclusions

Action de grâces pour toute la création.

32. 47. Grâces à toi, Seigneur!  309Nous voyons le ciel et la terre, c’est-à-dire, soit la partie corporelle, supérieure et inférieure, soit la création spirituelle et la création corporelle; et pour l’ornement de ces parties dont se compose, soit l’ensemble de la masse du monde, soit l’ensemble de toute la création, nous voyons la lumière, créée et séparée des ténèbres. Nous voyons le firmament du ciel, c’est-à-dire soit ce qui, entre les eaux spirituelles supérieures et les eaux corporelles inférieures, est le corps primaire du monde; soit cet espace aérien, parce que lui aussi s’appelle ciel, à travers lequel errent les oiseaux du ciel entre les eaux qui sont charriées en vapeurs au-dessus de lui et tombent aussi en rosées par les nuits sereines, et celles qui coulent lourdement sur les terres. Nous voyons les belles eaux rassemblées dans les plaines de la mer, et la terre aride, soit terre nue, soit terre formée devenue, une fois visible et organisée, la mère des herbes et des arbres. Nous voyons les luminaires resplendir au-dessus de nous, le soleil pourvoir seul au jour, la lune et les étoiles combler la solitude de la nuit, et tous ces astres servir de repères et de signes au temps. Nous voyons l’élément humide de toutes parts qui s’est peuplé de poissons, de monstres et d’êtres ailés; car la consistance de l’air, qui porte le vol des oiseaux, tire sa densité de l’évaporation des eaux. Nous voyons la face de la terre se parer des animaux terrestres, et l’homme, fait à ton image et ressemblance, s’imposer à tous les animaux sans raison, grâce justement à ton image et ressemblance, c’est-à-dire par la vertu de la raison et de l’intelligence. Et de même que, dans son âme, il y a un élément qui domine en prenant les décisions, et un autre qui est soumis pour obéir; de même voyons-nous que la femme a été faite aussi corporellement pour l’homme, de telle sorte qu’elle eût assurément dans l’esprit une intelligence raisonnable de nature égale, et que pourtant dans le corps par son sexe elle fût soumise au sexe masculin, tout comme le désir de l’action est soumis à l’esprit raisonnable pour engendrer de lui une souple disposition à bien agir. Nous voyons ces choses qui sont à la fois, une à une bonnes, et toutes ensemble très bonnes.

Toutes choses sont créées à partir du néant; la matière est créée en même temps que la forme.

33. 48. Tes œuvres te louent 310 pour que nous t’aimions, et nous t’aimons pour que tes œuvres te louent. Elles ont commencement et fin dans le temps, lever et coucher, progression et régression, beauté et imperfection. Elles ont donc successivement un matin et un soir, d’une façon en partie cachée en partie apparente. Car c’est du néant, non de toi qu’elles ont été faites par toi, non de quelque matière qui ne fût pas tienne ou qui eût été auparavant, mais d’une matière «congréée», c’est-à-dire d’une matière créée par toi en même temps, parce que tu as donné à cette informité, sans aucun intervalle de temps, sa forme. Oui, bien que la matière du ciel et de la terre soit une chose et l’apparence du ciel et de la terre autre chose, et que certes la matière soit tirée du pur néant mais l’apparence du monde tirée de la matière informe, pourtant tu as fait l’une et l’autre en même temps, en sorte que la matière fût suivie de la forme sans l’intervalle du moindre délai.

Résumé de l’interprétation allégorique de la création.

34. 49. Nous avons considéré aussi les réalités figurées, à cause desquelles tu as voulu que tes œuvres fussent faites dans tel ordre ou décrites dans tel ordre. Et nous avons vu qu’elles sont bonnes une à une et toutes ensemble très bonnes; vu dans ton verbe, dans ton Fils unique, le ciel et la terre, tête et corps de l’Église 311, dans la prédestination avant tous les temps sans matin ni soir. Mais dès que tu as commencé à réaliser dans le temps ce que tu avais prédestiné, afin de révéler ce qui était caché 312 et d’organiser ce qu’il y avait d’inorganisé en nous – car nos péchés étaient sur nous, et dans les profondeurs ténébreuses nous étions partis loin de toi, et ton bon Esprit 313était porté au-dessus de nous afin de venir à notre aide en temps opportun 314 – alors tu as justifié les impies 315, tu les as séparés des pécheurs, tu as affermi l’autorité de ton livre entre les supérieurs qui te seraient dociles et les inférieurs qui leur seraient soumis; et tu as rassemblé la société des infidèles dans une seule aspiration commune, pour faire apparaître la sainte ardeur des fidèles à produire, pour toi, des œuvres de miséricorde en distribuant même aux pauvres les biens de la terre 316, pour acquérir ceux du ciel. Et alors tu as allumé certains luminaires dans le firmament, tes saints qui possèdent le verbe de vie 317 et que l’éclat des dons de l’Esprit fait resplendir d’une sublime autorité. Et puis, pour faire pénétrer la foi dans les nations infidèles, tu as utilisé les sacrements, les miracles visibles et la voix des enseignements qui suivent le firmament de ton livre, où les fidèles eux aussi devaient recevoir la bénédiction, autant de choses que tu as produites dc la matière corporelle. Ensuite, tu as formé l’âme vivante des fidèles dans des sentiments bien réglés par une vigoureuse maîtrise. Et puis cette intelligence, qui s’était soumise à toi seul et n’avait besoin d’aucune autorité humaine proposée à son imitation, tu l’as renouvelée à ton image et ressemblance, et tu as soumis à la supériorité dc l’intelligence l’action raisonnable, comme à l’homme la femme; et tu as voulu qu’à tous tes ministres, nécessaires pour la perfection des fidèles en cette vie, ces mêmes fidèles offrissent leur secours dans les besoins temporels, par des œuvres qui portent leur fruit dans la vie future. Toutes ces choses, nous les voyons, et elles sont très bonnes, car c’est toi qui les vois en nous, toi qui nous as donné l’Esprit pour que, par lui, nous les voyions et nous t’aimions en elles.

Aspiration au repos du septième jour.

35. 50. Seigneur Dieu, donne-nous la paix – puisque tu nous as tout donné 318 – la paix du repos, la paix du sabbat, la paix qui n’a point de soir 319. Car tout cet ordre très beau de choses qui sont très bonnes épuisera ses modalités et passera oui, un matin en elles a été fait, et un soir 320.

36. 51.Mais le septième jour ne comprend pas de soir et n’a pas dc couchant puisque tu l’as sanctifié pour qu’il dure toujours; et si toi, au terme de tes œuvres très bonnes, que tu as faites pourtant dans le repos, tu t’es reposé le septième jour 321, c’est pour nous dire d’avance par la voix de ton livre qu’au terme de nos œuvres, qui sont très bonnes du fait même que c’est toi qui nous les as données, nous aussi au sabbat de la vie éternelle nous nous reposerions en toi.

37. 52. Car alors aussi, tu te reposeras en nous tout comme aujourd’hui tu agis en nous, et ainsi ce repos sera tien à travers nous tout comme cette action est tienne à travers nous. Mais toi, Seigneur, tu es toujours en action et tu es toujours en repos, et tu n’as ni vision pour un temps, ni mouvement pour un temps, ni repos pour un temps; et cependant tu fais et les visions du temps et ce que sont par eux-mêmes les temps et le repos après le temps.

38. 53. Ainsi pour nous, ces choses que tu as faites, nous les voyons parce qu’elles sont mais pour toi, c’est parce que tu les vois, qu’elles sont. Et nous, nous voyons du dehors qu’elles sont, et du dedans qu’elles sont bonnes; mais toi, là tu les as vues faites, où tu les as vues à faire. Et nous, en un temps, nous fûmes poussés à faire le bien après que notre cœur l’eut conçu de ton Esprit, tandis qu’avant ce temps, c’est à faire le mal que nous étions poussés, quand nous t’abandonnions; mais toi, Dieu unique, Dieu bon, jamais tu n’as cessé de faire le bien. Et quelques-unes de nos œuvres sont bonnes, par ta grâce il est vrai, mais non pas éternelles après elles nous espérons nous reposer dans ta sublime sainteté. Mais toi, bien qui n’a besoin d’aucun bien, tu es toujours dans le repos, parce que ton repos c’est toi-même. Et l’intelligence de tout cela, qui parmi les hommes pourra la donner à l’homme? Quel ange à l’ange? Quel ange à l’homme? Qu’on te demande à toi, Que l’on recherche en toi, Que l’on frappe chez toi. Ainsi, ainsi l’on recevra, ainsi l’on trouvera, ainsi la porte s’ouvrira 322. Amen.

Source : https://www.augustinus.it/francese/confessioni

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