À propos de la position de l’Eglise face au pouvoir séculier.

Père Justin (Popovitch) de Tchélié

« Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » [Actes V : 29]

Cette sentence est l’âme et le cœur même de l’Église orthodoxe. Voici son évangile, l’évangile qui s’applique à tout. C’est la raison et le but de son existence. C’est le fondement de son immortalité et de son éternité. C’est là que réside sa valeur éternelle. « Obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » — tel est le principe des principes, la sainteté des choses saintes, la mesure de toutes les mesures.

Ce fragment d’Évangile contient l’essence de tous les saints canons de l’Église orthodoxe. Ici l’Église ne peut faire aucune concession aux régimes politiques, aucun compromis ne peut être permis — ni avec le peuple, ni avec les démons, ni avec les persécuteurs et les démolisseurs de l’Église.

« Obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » — telle est la position de l’Église orthodoxe, son statut éternel et immuable, qui englobe tout, son état éternel et immuable — état de tout temps et de tout lieu. Voici la réponse donnée avant tout aux premiers persécuteurs de l’Église : Actes V : 29. C’est aussi la réponse qu’elle donne aux persécuteurs à travers les âges et jusqu’au Jugement dernier. Pour l’Église, Dieu est toujours en première position et l’homme, le monde, se trouvent toujours en deuxième place. Nous devons obéir aux hommes tant qu’ils ne sont pas contre Dieu et ses Commandements. Mais lorsque les hommes s’élèvent contre Dieu et Ses commandements, l’Église doit y résister et s’y opposer. Si elle ne le fait pas, de quelle sorte d’Église s’agit-il ? Et les représentants de l’Église — s’ils ne le font pas, sont-ils encore des représentants apostoliques de l’Église ? Se justifier dans ce cas avec la soi-disant économie (condescendance) ecclésiastique ne signifie rien de plus que la trahison secrète du Dieu et de son Église. Une telle économie est simplement une trahison de l’Église du Christ.

L’église représente une éternité dans le temps, dans ce monde temporaire. Le monde change, mais l’Église ne change pas ; sa vérité divine éternelle, sa justice, son Évangile et ses instruments divins ne changent pas. Cela ne change pas, parce que le Christ ne change pas, car Il est et œuvre ainsi. Telle est la vérité et la réalité évangéliques : « Jésus-Christ était hier, Il est aujourd’hui, et Il sera de même dans tous les siècles » [Hébreux XIII : 8].

À travers l’éternité, l’Église est présente dans le temps pour que le temps soit sanctifié par elle, renouvelé par elle, éternisé par elle et qu’il se transforme à son image. Ce n’est pas l’Église qui doit être en phase avec le temps ou l’esprit des temps, mais le temps doit s’aligner avec Elle, avec son éternité et son esprit — car Elle est porteuse de l’esprit d’éternité, de l’esprit de Dieu-Homme. Parce qu’Elle est toujours sainte, toujours apostolique. Elle est toujours spirituelle, toujours divine, et pour ces raisons elle ne pourra jamais sacrifier l’éternité pour ce qui est temporel, ce qui appartient à Dieu pour ce qui est humain, le céleste pour le terrestre. Elle ne doit pas s’adapter à l’esprit des temps, au contraire, le temps doit s’adapter à l’éternité, le passager à l’éternité, ce qui est humain doit s’adapter au Divin. Son voyage éternel dans ce monde : d’abord — Dieu, puis l’homme ; Dieu devant, et l’homme, derrière : « [afin que le Christ soit] en toutes choses le premier » [Col. I : 18].

En tant que telle, l’autorité vient de Dieu [Rom. XIII: 1-6] : la hiérarchie des valeurs et l’ordre viennent de Dieu. Par conséquent, en principe, nous devons nous soumettre à l’autorité qui établit l’ordre, normalise et maintient cet ordre divin donné par Dieu pour le monde. Autrement surviennent l’effondrement et le déclin dans l’anarchie.

Nous devons obéir aux autorités en tant que « servantes du Seigneur », dans la mesure où elles maintiennent l’ordre divin dans le monde, parce qu’elles sont les « servantes du Seigneur ». Nous devons obéir aux autorités, car en tant que serviteurs du Seigneur, portent l’épée avec laquelle elles punissent le mal et défendent le bien. Nous devons obéir aux autorités, car elles, en tant que « servantes du Seigneur », sont « une menace pour ceux qui entreprennent de mauvaises actions », et non pas de bonnes actions. Cependant, quand les autorités deviennent une menace pour les bonnes œuvres, quand elles persécutent le bien divin, et par-dessus tout, Celui qui est le bien suprême de ce monde — Jésus-Christ, et par conséquent, Son Église, alors nous n’avons pas à écouter ni à obéir ces autorités. Le chrétien doit les combattre avec les moyens bénis évangéliques. Jamais le chrétien ne doit oser se soumettre aux hommes plutôt qu’à Dieu, et spécialement aux hommes qui s’opposent au vrai Dieu et à Son Évangile.

Au commencement, l’autorité fut donnée, en principe, par Dieu. Mais lorsque l’autorité s’écarte de Dieu et s’élève contre Dieu, elle se transforme en oppression et cesse ainsi de venir de Dieu ; elle est du diable. Ainsi nous, chrétiens, connaissons à la fois le mystère de l’autorité et celui des persécutions : l’autorité est bénie par Dieu, mais les persécutions sont maudites par Dieu. Tout ce qui vient de Dieu est bon, mais si ce bien est utilisé d’une mauvaise façon, c’est par une intervention diabolique ; le mauvais usage des dons divins — c’est là que se tient le diable et tout ce qu’il y a de diabolique dans tous les mondes, y compris le monde des hommes. L’autorité vient de Dieu, et tant qu’elle demeure en Dieu et sous Dieu et avec Dieu — elle est bénie. Quittant Dieu, elle se transforme en violence et se soumet ainsi au pouvoir anti-divin — au diable.

C’est l’enseignement orthodoxe et apostolique, patristique, évangélique sur la nature et la valeur de l’autorité. Tel est l’enseignement orthodoxe saint et infaillible de l’Église du Christ, il en a été ainsi depuis le commencement jusqu’à maintenant, et pour toute éternité. Et qui sont ses témoins ? Tous les saints apôtres, tous les saints pères, tous les saints martyrs. Surtout les saints martyrs, à commencer par le premier martyr Étienne, et jusqu’à nos nouveaux martyrs et tous les autres saints martyrs de notre temps. Ils ont tous souffert pour notre Seigneur, Jésus-Christ, à cause des empereurs, des rois, et des princes ; en un mot, à cause des forces qui ont combattu Dieu dans notre siècle. Et ces saints confesseurs ne se comptent pas par milliers, mais par millions. Ils sont tous saints et immortels en tant que témoins de la vérité divine-humaine : les chrétiens doivent s’opposer aux lois iniques et infidèles des rois, des dirigeants, des autorités de ce monde, où qu’ils se trouvent et qui qu’ils soient.

Chaque saint martyr, chaque saint confesseur de la foi du Christ représente une incarnation vivante et une personnification immortelle du très saint Évangile de l’Église orthodoxe : « Nous devons obéir Dieu plutôt qu’aux hommes ». Chacun d’eux s’est accroché à ce Divin Evangile de toute son âme, de tout son cœur, de tout son esprit. C’est pourquoi ils ont été soumis au tourment, à la méchanceté, c’est pourquoi ils ont été tués par les dirigeants apostats de tous les temps.

Source : hesychia.eu

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