« Qui est digne d’être appelé raisonnable ? Celui qui, en comprenant que cette vie a un terme, peut mettre fin à ses péchés. La première pensée que Dieu envoie par amour pour l’homme, c’est la pensée du départ ; elle tombe dans son cœur et conduit l’âme vers la vie éternelle. Cette pensée est suivie tout naturellement du mépris du monde. Elle est le principe de tout bon mouvement qui instruit l’homme dans la connaissance de la vie. La puissance divine, qui cherche à aider l’homme en lui manifestant la vie, dépose en lui cette pensée comme fondement, comme nous l’avons dit. Si l’homme ne l’éteint pas par les soucis du monde et les vaines conversations, mais la cultive au contraire dans l’hésychia, en se concentrant sur lui-même, alors elle le conduira vers une vision profonde que la parole ne peut exprimer. Satan hait par-dessus tout cette pensée, et il met tout sa force à l’extirper de l’homme. Si cela était possible, il lui donnerait les royaumes du monde entier, uniquement pour le distraire de cette pensée. C’est avec plaisir qu’il le ferait ! Comme c’est insidieux ! Il sait que si la pensée de la mort s’enracine dans l’homme, son esprit quitte le pays du leurre et les ruses démoniaques ne s’approchent plus de lui. Ne croyez pas que nous parlons ici de la première pensée qui réveille en nous le souvenir de la mort : nous parlons de la chose dans toute son ampleur, qui a lieu lorsque le souvenir et la méditation de la mort nous affermissent et nous étonnent en permanence. La première pensée est charnelle, la seconde est une vision spirituelle et une grâce merveilleuse. Cette vision est revêtue de pensées lumineuses. Celui qui l’expérimente ne prête aucune attention au monde et ne se préoccupe pas de son corps (…) Quand tu t’approches de ta couche, dis-lui: ô, ma couche ! Ne deviendras-tu pas cette nuit mon cercueil? N’est-ce pas le sommeil éternel au lieu du sommeil temporel qui viendra vers moi ? Tant que tu as des jambes, cours vers l’action, avant qu’elles ne soient liées par des liens qu’on ne peut détacher Tant que tu as des doigts, étends-les pour la prière avant que la mort n’arrive ! Tant que tu as des yeux, remplis-les de larmes avant que la terre ne les recouvre ! La rose se fane dès que le vent souffle sur elle, et toi, tu meurs dès qu’un de tes organes est ébranlé. Ô, homme! Enracine dans ton cœur la pensée de ton départ et dis-toi constamment : le messager qui vient me chercher est à la porte. Pourquoi suis-je assis ? Le départ pour l’éternité est sans retour ».
Saint Isaac le Syrien.