Le « Fils de l’église »

Le « Fils de l’église » est une compilation de sentences catéchétiques réalisée en 1609 à destination d’une connaissance de l’auteur, récemment convertie à l’orthodoxie. D’un réel intérêt en termes de Foi, il nous montre les exigences spirituelles, ainsi que l’état de la piété populaire au début du XVIIème siècle, alors que l’orthodoxie russe connait des bouleversements. Pierre Pascal écrivait : « Sur le seuil du XVIème au XVIIème siècle, la Moscovie reste livrée au chaos : la dynastie éteinte, les petits dressés contre les grands, le pays envahi ; une famine meurtrière, tous les vices déchaînés : la trahison, l’égoïsme, la cruauté, la débauche ; la foi orthodoxe menacée par le latinisme, par le protestantisme, par l’irréligion. Quinze ans de guerre civile et de guerres extérieures ! C’est le Temps des Troubles. La nation aspire au Salut. Par un grand élan populaire, Moscou est libérée, le pouvoir restauré. Mais l’ordre matériel ne suffit pas. Le désir d’une réforme morale et religieuse se fait jour chez les meilleurs. Il faut réparer la chute des dernières années. Il faut, pour ne plus encourir la colère Divine, s’élever même à plus de perfection qu’avant. » (avant-propos de « La vie de l’archiprêtre Avvakum »).

Je vous livre les premiers 30 premières sentences traduites par mes soins. Si Dieu me donne vie, je publierai la traduction complète dans l’année.

Récit sur le fils de l’Eglise, comment naissent les croyants en Christ. A Ivan, le premier esclave, nouveau fils parmi les enfants de l’Eglise, de qui tous par la coupe du Saint Baptême sont rachetés, dans laquelle toi-même tu souhaiterais être baptisé par le Saint Baptême, au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit.
De ce que la Foi orthodoxe mène au baptême librement. Souviens-toi qu’aucun tourment, ni aucun péril ne saurait t’y astreindre. C’est par toi-même, selon ta volonté propre, ayant constaté que notre Foi orthodoxe était pure et sans tache, que tu as souhaité le baptême et résidé parmi nous, les chrétiens orthodoxes.
Du moment du baptême. Il n’eut pas lieu dans ta prime jeunesse, mais à l’âge accompli, non pas il y a longtemps, mais il y a peu.
Du renoncement à Satan. C’est pourquoi tu dois te souvenir, comment tu as étendu les mains et que tu as renoncé à Satan, à tous ses anges, et à toutes ses actions.
Du renoncement aux hérésies. Avant cela, tu as renoncé aux hérétiques, et aux hérésies qui ont dénaturé la Foi orthodoxe : de Formose le réprouvé et Pierre le minable, et Martin Luther, et d’autres, qui les ont suivis, eux et leurs enseignements ainsi que leurs agissements. Tu as renoncé à tous ceux-là.
Des mauvaises actions. Maintenant, souviens-toi et n’oublie pas ce que sont ces actions diaboliques auxquelles tu as renoncé : orgueil, arrogance, mensonge, flatterie, parjure, hérésie, sorcellerie, tromperie, envie, méchanceté, fornication, vol, brigandage, chaque mal, chaque impureté, et autres..
(et 8) De l’oubli des hérésies auxquelles tu adhérais jadis. De ces hérétiques mauvais, que tu as reniés par le saint baptême, ne te souviens pas, et ne tends plus l’oreille à leurs enseignements, après le renoncement. Et ne rejoins plus leurs pensées, et tiens-toi toujours à distance de leur hérésie, pour l’oublier. Et si te revient en mémoire ton ancienne vie, comment tu vivais en Pologne, et ici, avec tes gens, ainsi que l’enseignement de ces hérétiques – Formose, Pierre et Martin – alors sache qu’ils sont ennemis de Dieu et homicides. C’est ainsi que l’on se tient loin de ces hérétiques et de leurs hérésies.
De la Promesse faite au Christ par le baptême. Il faut que tu te souviennes, comment toi, portant ton regard vers l’Orient, a étendu tes mains, et promis au Christ de L’aimer, de se conformer à Ses œuvres, et toujours accomplir ses commandements et ses lois, que le Seigneur Jésus Christ notre Dieu lui-même nous a transmis dans les Evangiles, qu’Il a ordonné aux saints apôtres d’enseigner à leurs disciples, et qu’il a confirmé par les sept conciles des Saints Pères.
Louanges au baptisé. Saches que tu as fait une bonne chose, et maintenant tu es vraiment né, tu as lavé ton corps, et tu as purifié ton âme. Tu as quitté ceux qui t’ont donné naissance, et tu as reconnu ton Créateur. Tu as fui les ténèbres, tu as accueilli la lumière, et tu t’es rapproché de Dieu.
Du rapprochement vers Dieu. Ecoute en te remémorant, et raisonne en comprenant pourquoi tu t’es rapproché de Dieu. Parce que tu as été baptisé au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, et que tu as maintenant fait une promesse au Christ par le baptême, tu es un esclave de Dieu, et l’obligé du Christ. Ne t’éloigne pas de Lui par tes actions à cause de ta promesse et de ce que tu as entrepris. Et Dieu viendra à toi, et tu seras en Dieu.
Comment acquérir un bon nom et hériter de la Grâce. Si tu veux être en Dieu, aies toujours Dieu au cœur, et agis partout selon la justice. Ne te bats pas, ne vole pas, ne ment pas. Sois humble et aie de l’amour pour chaque homme. Et dans la maison de ton Seigneur sois en tout obéissant et fidèle, empli de bonté et d’innocence, et sans paresse pour le bien. Ainsi tu gagneras tout ce qui est bon, et tu hériteras de la Grâce.
De la sagesse. Si tu souhaites rechercher la sagesse, une bonne conscience, et ennoblir ton tempérament, étudie par les livres, les lectures divines, et les enseignements des Saints. Et tu verras [ceux-ci], car l’âme humaine est plus vénérable que le monde entier. Car la richesse du monde est périssable et mortelle, alors que l’âme, elle, est immortelle.
De l’âme. Si tu comprends que ton âme est immortelle, alors tu concevras la véritable Foi orthodoxe, par laquelle les prophètes se sont réjouis, de laquelle les apôtres se sont enorgueillis, par laquelle tous les fidèles se sont réjouis, de laquelle se sont ornés les saints, et couronnés les martyrs.
De la vraie foi. Un mot à son propos. Et, je te dirai, que cette foi orthodoxe est ainsi faite qu’en elle sur terre s’unissent dans l’amour les vivants et les anges célestes, conversant avec eux, louant et célébrant Dieu. Et après que leur âme s’envole vers Dieu, de grands miracles ont lieu : les boiteux et les paralytiques se rétablissent, les possédés sont délivrés, et chaque infirmité ou maladie est guérie..
Des saints. Comme je le dis, il y avait parmi ces saints : Basile le Grand, Grégoire le Théologien, Jean Chrysostome, le pape Clément de Rome, Polycarpe de Smyrne, Pierre, Alexis, et Jean de Moscou. Parmi les Pères vénérables : Serge de Radonège, Cyrille du Lac Blanc, Varlaam de Khoutyne, et beaucoup d’autres, dont seul Dieu connaît le nombre et les noms.
De la nourriture des Saints. Ne sois pas surpris, et n’estime pas mensonger le fait que par la prière des hommes la vision soit rendue aux aveugles, et que toutes sortes de maux et de maladies soient guéries. En fait leur vie n’est même pas humaine, car ils perdurent comme éthérés. Leur nourriture, c’est du pain et de l’eau, et ils mangent peu et rarement. L’un mange chaque jour, un autre un jour sur deux, un autre une fois par semaine, un autre une fois toutes les deux semaines, un autre ne mange rien pendant quarante jours. Tandis qu’un autre ne mange pas de pain, mais de l’herbe et des racines.
De l’habit des saints. De même ils ne se préoccupent pas du vêtement. Ils supportent dans la nudité, et les pieds nus, la chaleur torride du soleil, comme le gel de l’hiver, toutes les errances sur la terre, par monts et par vaux.
De la prière des saints. De même leurs prières vers Dieu sont ininterrompues. Ils se tiennent debout nuit et jour, comme un pilier inébranlable. Ils ne s’accordent que peu de sommeil, à même le sol. Telles sont Foi et Amour des saints envers Dieu.
De la prière des laïcs. Quant à nous, les gens vivants, nous ne pouvons pas supporter une telle charge, c’est pourquoi les saints pères instaurèrent des règles ecclésiales pour nous. La règle entra aussi dans les foyers : ils instaurèrent et prescrivirent la prière selon la force de chacun. Et sans la règle de l’église et sans prière à la maison, il est impossible d’être un chrétien orthodoxe et ce n’est pas prescrit.
De la règle de l’église. La règle de l’église, c’est des vêpres avec une petite vêpre, des matines avec un office de minuit et des heures avec une liturgie.
Quel chant et à quel moment. Concernant les vêpres, il est prescrit de chanter les vêpres parce que Dieu nous a permis de passer la journée sainement, du matin au soir. Aussi elle préfigure et anticipe la soirée.
Des petites vêpres. Il est prescrit de chanter les petites vêpres et de prier Dieu, pour qu’Il veuille bien nous faire passer la nuit sans crainte, et nous donner d’effectuer nos prières nocturnes et pour les fidèles.
De l’Office de Minuit. L’Office de Minuit est chanté parce qu’à minuit, Dieu viendra juger les vivants et les morts, les justes et les pécheurs, et récompenser chacun selon ses actes.
Des matines. Il est prescrit de chanter les matines parce que par un matin profond, c’est-à-dire très tôt, le Christ notre Dieu ressuscita des morts et donna la vie éternelle à tous les croyants.
(-30) Des heures. Il est prescrit de chanter l’office de prime pour glorifier Celui qui a donné la lumière, qui a créé jour et nuit, et, par sa grande miséricorde, qui nous a illuminés par la lumière du jour.
L’office de tierce doit être chanté, parce qu’à cette heure, le Seigneur a envoyé son Saint-Esprit du Père à ses saints disciples et apôtres, [et] c’est alors qu’[ils] commencèrent à parler en langues étrangères.
L’office de sexte doit être chanté, car à cette heure-là, notre Seigneur Jésus-Christ a été crucifié selon la chair pour nos péchés de Sa propre Volonté. À la même heure, Adam a également été créé et, par la tromperie du serpent, il a été déchu de son image. Par conséquent, notre Seigneur Jésus-Christ a aussi souffert dans la chair à cette heure-là pour nous délivrer de la mort du péché.
L’office de none doit être chanté, parce qu’à cette heure le Seigneur a donné son esprit au Père et dans la chair a accepté la souffrance sur la croix, tout en restant Dieu. Il est mort selon la chair pour le bien de ceux qui étaient en enfer et a détruit le royaume de l’enfer. Et le troisième jour, il fut ressuscité, et avec rassembla en Lui tous les croyants morts.
De la liturgie. La sainte liturgie est célébrée – c’est un grand et indicible mystère. Ensuite, les anges servent de manière invisible avec les prêtres. Alors, [comme] notre Seigneur Jésus-Christ, l’Agneau invisible sera tué [et] pour la nourriture des fidèles, pour la délivrance et pour la purification des péchés. Et il est inutile de poursuivre : à l’endroit approprié [et] à un autre moment vous trouverez un écrit à ce sujet. Maintenant nous en terminons sur ce sujet.
Des offices. Les offices sont chantés, pour qui le veut, tôt et tard, de jour ou de nuit, ou le matin, ou le soir, car [ici] il n’y a pas d’interdiction concernant le moment: après tout, où l’on rencontre le roi, on le prie, c’est ainsi, comprends-le.
De la règle de l’église. Voici un mot sur la règle de l’église, prends-y garde, et apprends les bons usages d’une vraie piété. Et écoute les enseignements sur les comportements et les paroles, ainsi que sur les bonnes actions des gens. Et sur les bons esclaves, pas sur les mauvais.
De l’église. Écoutez l’Église elle-même, comment y penser, comment y entrer et comment s’y tenir. Après tout, nos saints pères ont appelé l’Église de Dieu le Ciel terrestre et l’Épouse du Christ, et la Maison de Dieu. Parce que Dieu est ici, en elle, y séjourne, et que tous les fidèles viennent à lui ici, et qu’ils lui demandent miséricorde et rémission des péchés. Et ils le reçoivent s’ils le demandent avec une foi dénuée du doute.
Encore sur l’église. Ecoutez attentivement ceci et ne considérez pas cette église [toute simple] comme votre demeure, car [elle] a été aspergée du sang du Christ et sanctifiée par le Saint-Esprit. Par conséquent, que rien de mauvais n’y entre: qu’aucune sauvagerie ni aucune autre souillure n’y pénètrent. Quand bien même on y entreraient avec négligence, ou pour toute autre raison, le prêtre par la prière arrose [l’église] avec de l’eau bénite afin qu’elle reste pure et sainte. Écoute mes paroles, car tu es une personne nouvellement éclairée, tu ne peux pas comprendre tout cela [toi-même] à moins de l’entendre de quelqu’un. Et pour cela [je] t’écris dès à présent un peu sur les coutumes chrétiennes, afin que tu puisses leur être fidèles et connaître Dieu par toi-même. Car c’est pour toi qu’a été réalisé le bien, et non le mal.

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