Saint Syméon le Nouveau Théologien.
Sur l’illumination divine et la lumière de l’Esprit saint; que Dieu est le seul lieu, dans lequel près le
trépas tous les saints trouvent le repos; que celui qui tombe en dehors de Dieu ne trouvera pas en
un autre lieu le repos dans la vie future.
Quel est ce redoutable mystère qui s’accomplit en moi ?
La parole ne peut l’exprimer, ni ma main
l’écrire la misérable, pour louer et glorifier
Celui qui dépasse toute louange, qui dépasse toute parole.
Si en effet ce qui s’accomplit en moi, l’enfant prodigue,
est indicible, inexprimable, comment Celui
qui en est le dispensateur et l’auteur, comment, dis-moi,
aurait-il besoin de recevoir de nous louange ou gloire ?
Non, il ne peut recevoir la gloire celui qui possède la gloire,
pas plus que ne peut être illuminé ou refléterait la lumière
ce soleil que nous contemplons dans le monde :
il éclaire, il n’est pas éclairé; il brille, il ne reçoit pas de lumière,
car il possède celle qu’il a reçue dès le commencement, du Créateur.
Si donc, en faisant le soleil, Dieu, le Créateur de tout,
l’a fait sans nul besoin, pour prodiguer sa lumière
sans rien attendre de plus d’aucun autre être,
comment recevrai-il gloire de moi, l’infime,
car il est sans aucun besoin, le Créateur du soleil,
celui qui de toute espèce de bien comble tous les êtres,
d’un signe, d’un vouloir, lui qui possède la force.
Ici, ma langue manque de paroles
et ce qui s’accomplit, mon intelligence le voit, mais ne l’explique pas :
elle contemple, elle désire le ire et elle ne trouve pas de mot :
ce qu’elle voit est invisible, entièrement dépourvu de forme,
simple, sans aucune composition, infini en grandeur.
En effet elle ne voit pas de commencement, ne découvre jamais de fin
et ignore toute espèce de milieu : comment donc dirait-elle ce qu’elle voit ?
C’est l’ensemble, récapitulé, à mon avis, qu’on voit,
non certes par essence, mais par participation.
En effet, tu allumes un feu à un feu, c’est le feu tout entier que tu prends,
et pourtant le feu reste, non partagé, sans avoir rien perdu,
bien que le feu transmis soit séparé du premier
et passé à beaucoup de lampes, car c’est un feu matériel.
Mais celui-ci est spirituel, il est indivisible,
absolument impossible à séparer et à partager.
Non pas un feu qu’on transmet et qui en forme plusieurs autres,
mais à la fois il demeure indivisible et se trouve en moi.
Il se lève en moi, au dedans de mon pauvre
coeur, tel le soleil, ou tel le disque solaire
il se montre sphérique, lumineux, oui, tel une flamme.
Je ne sais – je le répète – ce que je puis en dire
et je voulais me taire – si seulement j’avais pu ! –
mais la merveille redoutable fait bondir mon coeur
et ouvre ma bouche, ma bouche souillée,
et, malgré moi, me fait parler et écrire.
Toi qui t’es levé à l’instant dans mon coeur enténébré,
toi qui m’as montré des merveilles que mes yeux n’avaient point vues,
toi qui es descendu jusqu’en moi comme dans le dernier de tous,
toi qui m’as fait disciple et fils d’un apôtre
moi que le terrible dragon homicide
retenait auparavant comme ouvrier et instrument de toute iniquité,
– toi le soleil d’avant tous les siècles qui as brillé dans les enfers
et qui as ensuite éclairé mon âme plongée dans les ténèbres
et m’as fait, don d’un jour sans déclin
– oh ! la chose difficile à croire pour les lâches et paresseux de mon espèce !
saint Syméon le Nouveau Théologien
toi qui as comblé de tous les biens la misère qui m’habitait,
toi-même, donne-moi une voix, fournis-moi des paroles
pour raconter à tous tes oeuvres stupéfiantes
et ce que tu opères (encore) aujourd’hui en nous tes serviteurs),
afin que ceux qui dorment dans les ténèbres de la négligence
et qui disent : «Impossible aux pécheurs de se sauver»
et comme Pierre et les outres apôtres, saints,
bienheureux et justes, de trouver, eux, miséricorde
connaissent et apprennent que, pour une bonté
telle que la tienne, cela était facile et l’est encore et le sera !
Et ceux qui croient te posséder, toi la lumière du monde entier,
et qui disent ne pas le voir, ne pas être dans la lumière,
ne pas être éclairés, ne pas te contempler sans cesse, ô Sauveur,
qu’ils apprennent que tu n’as pas éclairé leur pensée
ni habité dans leur coeur souillé,
et qu’ils ont tort de se réjouir pour de vaincs espérances
en s’imaginant voir ta lumière après leur mort.
Non, c’est dès ici-bas que les arrhes, c’est ici-même que le sceau,
toi, Sauveur, tu les donnes aux brebis placées à ta droite;
si pour chacun, en effet, la mort ferme la porte,
si après le trépas pour tous pareillement il n’y a plus rien à faire
et si nul ne saurait plus agir bien ou mal,
– ô mon Sauveur, alors tel chacun sera trouvé tel il restera.
Voilà ce qui m’effraie, Maître, voilà ce qui me fait trembler,
voilà ce qui dessèche tous mes sens :
comme un aveugle mort et parti d’ici-bas
ne verra jamais plus sensiblement ce soleil,
même si, ressuscitant, il doit recouvrer la lumière de ses yeux,
de même celui dont l’esprit est aveugle, s’il meurt,
ne verra pas non plus le soleil spirituel, c’est-à-dire toi, mon Dieu;
mais il sortira des ténèbres pour s’en aller dans les ténèbres
et pour l’éternité il restera séparé de toi.
Nul homme, Maître, de ceux qui croient en toi,
nul de ceux qui ont été baptisés en ton nom,
ne pourra supporter ce lourd et redoutable fardeau
d’être séparé de toi, ô miséricordieux; terrible affliction,
terrible, intolérable, éternelle souffrance !
Quoi de pire, en effet, que d’être séparé de toi, Sauveur ?
Quoi de plus douloureux que d’être retranché de la vie,
de vivre là-bas comme un cadavre, privé de la vie,
d’être privé de tous les biens à la fois ?
Oui, qui de toi se sépare est privé de tout bien,
car il n’en sera pas alors comme il en va sur terre maintenant.
Maintenant, en effet, ceux qui t’ignorent ont les plaisirs corporels.
Sur cette terre ils se réjouissent, bondissent comme des bêtes;
ils possèdent ce que tu leur as donné pour en jouir en cette vie;
ils ne voient que cela, et ils s’imaginent qu’il en est de même
de ce qui suit le départ de l’âme, le départ de cette vie.
Mais c’est une fausse conjecture, une fausse opinion
quand ils prétendent être, pas avec toi sans doute,
mais du moins dans le repos
et qu’ils se préparent un certain lieu – ô folie ! –
qui ne recevrait pas de lumière mais serait aussi dépourvu de ténèbres,
en dehors du Royaume, mais aussi en dehors de la géhenne,
à la fois loin du festin et loin du feu du châtiment;
et c’est là que les malheureux souhaitent de parvenir,
disant qu’ils n’ont pas besoin de ta gloire éternelle
ou du Royaume des cieux, et qu’ils y sont dans le repos.
Hélas quel n’est pas leur aveuglement, quelle n’est pas leur ignorance,
quel n’est pas leur malheur, et leurs vaines espérances !
saint Syméon le Nouveau Théologien
Nulle part cela n’est écrit et cela ne sera pas non plus;
mais, dans la lumière de tous les biens, ceux qui auront agi divinement,
dans les ténèbres du châtiment, les artisans du mal,
et au milieu, un abîme effrayant séparant les uns des autres,
comme tu nous l’as toi-même appris, toi qui as préparé tout cela.
Oui, pour l’homme qui tombe au milieu, ce sera pire
que les plus effroyables supplices, que les pires châtiments;
dans un abîme de tourments, dans un gouffre de perdition
il roulera, le malheureux, il sera entraîné
là où il est difficile de marcher, pour ceux qui, dans les tourments
voudraient passer dans la terre des justes
mais qui préfèrent, dans le feu redoutable être réduits en cendres
plutôt que de se jeter dans cet effroyable gouffre.
Ainsi donc, ceux qui souhaitent se trouver là après le trépas,
que de larmes ils méritent, que de lamentations,
parce que, comme des troupeaux sons intelligence, ils sont parfaitement stupides,
ils souhaitent leur propre malédiction, ils s’égarent eux-mêmes.
C’est toi le Royaume des cieux, c’est toi, ô Christ, la terre promise aux doux,
toi la prairie du paradis, toi la salle du banquet divin,
toi la chambre des noces ineffables, toi la table ouverte à tous,
toi le pain de vie, toi le breuvage inouï,
toi à la fois l’urne pour l’eau et l’eau de la vie,
toi encore la lampe inextinguible pour chacun des saints,
toi le vêtement et la couronne, et celui qui distribue les couronnes,
toi la joie et le repos, toi les délices et la gloire, toi l’allégresse, toi la félicité;
et ta grâce, ô mon Dieu, brillera comme le soleil,
grâce de l’Esprit de toute sainteté, en tous les saints;
et tu brilleras, inaccessible soleil, au milieu d’eux
et tous resplendiront, en proportion de leur roi,
de leur ascèse, de leur espérance et de leur charité,
de leur purification et de leur illumination par ton Esprit,
ô Dieu, seul longanime et Juge de tous les hommes.
Ils recevront des demeures et des lieux différents :
leur degré d’éclat, leurs degrés dans la charité
et la vision (qu’ils auront) de toi, tandis que la mesure de grandeur
de leur gloire, de leur jouissance, de leur réputation
distinguera leurs maisons, leurs merveilleuses demeures.
Voilà les tentes différentes, voilà les maisons nombreuses;
voilà les robes éclatantes des nombreuses dignités
et les couronnes variées, les pierres et les perles,
et les fleurs inflétrissables offrant un aspect surprenant;
voilà les lits et les couches, les tables et les trônes
et tout ce qui peut procurer les plus suaves délices :
c’était, c’est et ce sera de te voir, et seulement de te voir.
Ceux donc, je le répète, qui ne voient pas ta lumière
et ne sont pas vus de toi, mais retranchés
de ta vue en qui sont tous les biens, sont privés de ces biens.
Où donc trouveraient-ils le bien-être, où donc un lieu sans souffrance ?
où donc habiteront-ils alors qu’ils ne sont pas devenus droits ?
puisque «devant ta face ce sont les droits qui habiteront,»
puisque, pour eux aussi, c’est dans la rectitude du coeur que tu formes tes traits
et que c’est avec ta forme qu’ils habitent en toi, ô mon Christ,
ô merveille, incroyable don de ta bonté !
que les hommes puissent être «en forme de Dieu»
et qu’en eux prenne forme celui que rien ne peut contenir,
le Dieu immuable, inaltérable par nature,
qui veut venir habiter dans tous ceux qui en sont dignes,
de sorte que chacun possède entièrement en soi le grand Roi
et le Royaume même et tous les biens du Royaume,
et qu’il brille – comme a brillé dans sa Résurrection» mon Dieu –
saint Syméon le Nouveau Théologien
plus que les rayons de ce soleil que nous voyons :
et voici que les hommes, debout près de Celui qui les a glorifiés,
resteront stupéfaits, par l’excès de la gloire
et l’incessant accroissement de la splendeur divine.
Le progrès en effet sera sans fin, au long des siècles,
puisque l’arrêt de la croissance vers cette fin infinie
ne serait rien d’autre que la saisie de l’insaisissable
et que deviendrait objet de satiété celui dont nul ne peut se rassasier;
au contraire, d’en être comblé et d’être glorifié dans sa lumière
creusera un progrès sans fond et un commencement indéfini :
de même que, tout en possédant le Christ qui a pris forme au-dedans d’eux
ils se tiennent auprès de lui qui brille (d’une lumière) inaccessible,
de même en eux la fin devient principe de la gloire
et – pour t’expliquer plus clairement ma pensée –
dans la fin ils auront le principe et dans le principe la fin.
Considère, je t’en prie, que celui qui est comblé n’a pas besoin de plus,
tandis que la fin de l’infini, nul coureur ne l’atteindra.
Que passe en effet ce ciel que nous voyons
avec la terre et tout ce qu’elle contient, représente-toi (alors) ce que j’ai dit :
on atteindra le lieu où l’on trouvera son achèvement,
je ne parle pas d’un lieu corporel, mais par l’esprit tu pourras
atteindre la plénitude du monde incorporel :
ce n’est pas le monde, mais l’air comme il était avant,
même pas l’air, mais ce réceptacle inexprimable qu’on appelle le Tout
et qui est un abîme indéfini, de tous côtés,
tout entier également dans tous les sens, de part et d’autre :
c’est ce Tout qui est empli de la divinité de Dieu.
Aussi ceux qui en ont leur part, qui y ont leur demeure,
comment l’embrasseraient-ils tout entier, pour en être rassasiés ?
comment atteindraient-ils la fin de ce qui n’a pas de fin, dis-moi ?
Cela est impossible, de toute façon, il n’y a pas moyen :
et c’est pourquoi, ni dans les saints qui vivent ici-bas,
ni dans ceux qui sont déjà passés de l’autre côté, en Dieu,
une telle pensée ne saurait pénétrer;
recouverts qu’ils sont par la lumière de la gloire divine !
ils sont éclairés, ils brillent, ils jouissent de ces délices
et ils savent vraiment, dans une totale certitude,
que l’achèvement en sera indéfini
et que la croissance de ta gloire jaillira éternellement.
Mais ceux qui sont tombés en dehors de Dieu,
je me demande bien où est leur place ?
eux qui se sont écartés loin de celui qui est partout,
et c’est vraiment, frères, une merveille pleine d’un grand effroi
et qui exige la réflexion d’un esprit illuminé
pour bien la comprendre et ne pas tomber dans l’hérésie,
faute de croire aux paroles de l’Esprit divin :
eux aussi, bien sûr, seront à l’intérieur du Tout,
mais en dehors de la lumière divine, et réellement en dehors de Dieu.
De même en effet que les aveugles, alors que le soleil brille,
bien que tout entiers baigne de sa clarté, passent leur vie hors de la lumière
dont ils sont séparés par les sons et par la vue,
de même dans le Tout (luit) la divine lumière de la Trinité,
et au milieu de cette lumière les pécheurs enfermés dans les ténèbres
sans voir, sans aucun sens divin,
mais brûlés dans leur conscience
et condamnés, connaitront l’indicible affliction
et la douleur sans nom, pour l’éternité.
Source : http://orthodoxievco.net/ecrits/peres/symeon-nouveau/hymnes/01-15.pdf
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